Contre-critique

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"Méfiez-vous des enfants sages" de C. Coulon

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"Méfiez-vous des enfants sages" de Cécile Coulon.

 

 "Le vieux est mort, et je regarde la rue en pensant que j'aurais mis ma tête sous l'eau pendant plus de trois minutes et demie s'il me l'avait demandé. Au lieu de ça, j'ai continué à sucer mon pouce, à regarder sa maison fermée et ses volets qu'il n'ouvrait pas."

Au départ, nous est dépeinte une jeune femme qui, dégoûtée par son premier flirte, un dénommé Stan, part à San Francisco et y trouve son bonheur, en tant que serveuse, avant qu'un décès ne la ramène dans sa ville natale. Ensuite vient un jeune père de famille, suédois d'origine, qui ne vit sa mère qu'une seule fois. Tous deux se croisent à la gare routière...

L'écriture de Coulon est très descriptive ; il ne s'agit pas d'une narration qui emporte le lecteur dans le temps présent des personnages, mais d'un retour sur les faits, ce qu'il est advenu d'eux. On passe d'ailleurs du récit à la troisième personne de la première partie, à un récit à la première personne dans la deuxième partie. Mais toujours on nous raconte ce qu'il s'est passé avant, comme un résumé sur l'histoire d'une vie.

Au départ, il faut être bien attentif car les premiers protagonistes ne sont pas nommés. On ne connaît donc pas le nom, ni même le surnom des personnages. Seuls de menus détails, tels un T-shirt imprimé "1989", des autocollants Batman, ou une histoire de clou dans le talon, nous permettent de les resituer par rapport aux autres. On comprend donc qu'on a droit à la jeunesse d'une femme puis, plus tard, à celle de sa fille. Que la fille s'appelle Lua et que ses parents sont les deux premiers personnages du roman, respectivement Kerrie et le suédois Markku ; ces derniers étant les voisins d'Eddy, le troisième personnage central.

"Malgré moi, je me suis approchée. J'ai mis mes deux mains sur ma bouche. Pétrifiée, je contemplai la bête : c'était une araignée énorme, avec un corps ovale et une tête plus petite. Ses huit pattes écartées prenaient toute la place, on l'aurait crue prête à attaquer un cheval, tant elle paraissait sauvage et meurtrière. J'ai réprimé mon envie de vomir, de pleurer..."

D'abord écolière trafiquante, se faisant du fric en revendant des bonbons ou en louant ses baskets, notre héroïne va vivre un véritable traumatisme le jour où son père ramène une mygale à la maison (épisode épidermique). Dès lors elle lui impute la responsabilité de son avenir. Toute la deuxième partie de ce court roman est consacré à Lua. Mais dans son rapport à l'autre, elle tergiverse et ne nous révèle pas l'essentiel. Du coup notre lecture papillonne d'un personnage à l'autre, d'un événement à l'autre, sans que l'on sache de quoi il retourne. Par exemple on croit le rapport avec le professeur Freak, un ancien pianiste amputé d'un doigt, comme majeur, pourtant c'est la mort d'Eddy qui prend une place finalement plus importante. Ainsi l'auteur nous perd et l'on ne sait que retenir de son ouvrage. La fin est largement portée par la mélancolie et le mal-être.

Bien que "Méfiez-vous..." ne soit pas une œuvre mémorable, car trop alambiquée et pas assez prenante, on peut dire que Cécile Coulon est une romancière qui sait écrire et son récit nous a donné envie d'en lire un autre, ultérieur et sans doute plus abouti.

R.P.



12/04/2017
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