Contre-critique

Contre-critique

"Metro 2033" de D. Glukhovsky

20253356.jpg-r_160_240-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx.jpg

"Metro 2033" de Dmitry Glukhovsky.

 

"Et, s'obligeant à ramper toujours plus haut sur cet escalator grinçant aux marches défaillantes, ils s'imaginaient dans des combinaisons antiradiation, munis de compteur Geiger, une mitrailleuse lourde à l'épaule, comme l'étaient leurs modèles."

 Ce roman, à l'origine du véritable phénomène transmédia de l'univers qu'il développe, raconte une Russie décimée par la guerre dans laquelle les survivants de Moscou vivent désormais réfugiés dans le métro. Le héros, Artyom, est peut-être à l'origine de l'effrayante invasion d'êtres humanoïdes dans sa station nommée VDNKh. Alors qu'Artyom se sent coupable, l'arrivée de Hunter va changer son destin, car ce dernier va confier une mission au jeune homme. Artyom va ainsi devoir traverser le métro, et véritablement s'éloigner de sa station, pour rejoindre Polis, centre névralgique de ce nouveau monde.

"Je pense qu'une fois entraînés dans ces tuyaux, les morts perdent leur identité. ils rejoignent un grand tout. leur esprit et leur volonté se dissolvent dans ceux de tous les autres. Leur individualité n'est plus. Mais tu redoutes davantage les vivants que les morts..."

 À la surface, la radioactivité et les aberrations vivantes empêchent toutes possibilités de résidence. En bas, dans le métro, chaque station devient autonome ou s'allie à d'autres pour former des confédérations. Entre la Ligne Rouge, le Quatrième Reich et la Hanse, sans compter que chaque tunnel ralliant une station à une autre est dangereux, traverser le métropolitain moscovite se révèlera périlleux.

Bien que le roman débute avec une peur psychologique qui rôde et s'installe peu à peu, car c'est plutôt affronter le noir et l'inconnu qui se révèle dangereux pour les habitants, la deuxième moitié du roman va matérialiser la peur par le biais de créatures ou de personnages malfaisants. Mais dans l'ensemble, c'est l'ambiance sournoise du livre qui touche le lecteur, plus que le véritable déploiement de moments forts. On n'est pas effrayé pourtant on aime imaginer que le pire risque d'arriver. Du coup Glukhovsky joue sur l'attente et l'anxiété qu'elle engendre sans jamais complètement rassasier. Il ne faut pas s'attendre à des révélations formidables ou des batailles dantesques mais plutôt, à l'image de l'ouverture, du plaisir de raconter une histoire étrange au cœur de la nuit et d'expérimenter le simple malaise qui s'ensuit. On retrouve d'ailleurs ce procédé dans son roman suivant intitulé "Sumerki".

"Une peur panique régnait sur la station. Hommes et femmes bondissaient des tentes, à demi dévêtus, jetant autour d'eux des regards affolés. Un homme sautillait à cloche-pied en essayant vainement d'enfiler son pantalon ; il se plia en deux brusquement, les mains sur le ventre, et tomba..."

 Glukhovsky livre un conte avec ce "Metro 2033". Il ne s'agit pas de narration complexe ni de scénario alambiqué, juste d'une histoire efficace grâce à son ambiance pesante et trouble. Il est vrai que l'auteur était jeune à l'époque où il le rédigeait, mais cela n'enlève rien à son idée simple et efficace. D'autant qu'elle fait référence à Wells, aux frères Strougatski et à Shakespeare. Les meilleurs passages sont d'ailleurs ceux qui font référence aux Stalkers, ces êtres en combinaison protectrice qui s'aventurent à la surface, lorsque Artyom gagne l'extérieur. Et même si Glukhovsky n'exploite pas la critique sociétale il se permet quelques réflexions intéressantes qu'il égrène au fil des chapitres, sur le sens de la vie, la nécessité de l'autre ou la religion catholique par exemple.

"Il percevait désormais son semblable comme une machine ingénieuse dédiée à la décomposition d'aliments et la production d'excréments, fonctionnant sans relâche et presque sans accrocs tout au long de sa vie, et qui n'avait aucun sens, si par le mot "sens" on désignait une quelconque finalité..."

 Ce qui peut dérouter, mais c'est aussi ce qui fait la particularité de "Métro 2033", c'est que les péripéties d'Artyom sont décousues. Le héros traverse des épreuves disparates et les personnes qu'il croise n'auront pas vraiment de répercussions et seront bien vite oubliées. L'auteur développe un parcours qui semble construit au hasard et qui ne répond pas du tout à une stratégie. C'est d'ailleurs un concept qui rapproche Glukhovsky de son idée de la réalité avec lequel il raisonne à l'intérieur même de son livre :

"La vie, c'est une suite d'événements sans lien les uns avec les autres, des événements aléatoires qui surviennent sans ordre précis. Ça n'existe pas, dans une vie, les événements qui s'enchaînent de manière logique !"

 Succession de rencontres inégales dans leur efficacité, le "Metro 2033" est tout de même une belle découverte qui donne envie d'en connaître davantage sur ce monde dévasté et semi-souterrain, et qui demeure agréable dans l'impression d'immersion qu'elle procure. À essayer avant d'entamer "2034".

R.P.



22/01/2014
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres