Contre-critique

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"La maison des feuilles" de M.Z.Danielewski

 

"La maison des feuilles" de Makk Z. Danielewski.

 

Roman phénoménal, dont certains vouent un véritable culte, "La maison des feuilles" est un incontournable de la littérature fantastique. Le récit est si proche de la réalité dans le processus de développement de son intrigue, que l'histoire de cette maison nous parait crédible au point de nous confondre.

"Ce qui m'a frappé en premier, c'est l'odeur. Ce n'était pas une odeur désagréable, elle était juste incroyablement forte. Et elle n'était pas simple, non plus. Elle était extrêmement stratifiée, une accumulation de patines dont la source véritable s'était évaporée depuis longtemps."

Le récit est composé de plusieurs histoires qui s'enchevêtrent, si bien qu'il y a trois niveaux d'intrigues. Tout d'abord Johnny Errand, jeune homme fêtard qui tombe sur un manuscrit que le hante. Ensuite le manuscrit en question, rédigé par Zampanò - un vieil aveugle décédé - qui est une étude sur un film. Et enfin le film, le "Navidson record", réalisé par Will Navidson, un photo-reporter qui emménage dans une maison étrange : la désormais célèbre maison qui est plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur.

"Une chose est sûre, même sans y toucher, nous avons commencé tous deux à ressentir sa pesanteur, à pressentir une chose horrible par ses proportions, son silence, son immobilité, même si l'on sentait que cela avait été relégué presque négligemment dans un coin de la pièce."

"La maison des feuilles", qui se lit comme une plongée dans un vertigineux labyrinthe, est à réservé aux lecteurs avertis, mais se révélera une lecture passionnante et mémorable pour les plus audacieux. Le récit est si complexe, si noyé dans un flot impressionnant de notes de bas de page, si déstructuré dans la mise en page de certains passages, que le lecteur risquera de se décourager dans sa lecture ; mais cela reviendrait à passer à côté d'une œuvre majeure. Il faut se préparer à lire un roman dense, surprenant et déroutant ; une véritable expérience de lecture.

"Jed s'effondre, son moment de joie volé par un grain de plomb, qui le laisse mort par terre, une flaque sombre de sang s'élargissant sous lui."

Une fois que le récit vous accroche - et cela peut arriver dès le départ - il ne vous lâche plus et s'empare de votre curiosité avec une grande maîtrise, pour vous amener avec lui, progressivement, dans son univers mystérieux qui vous effraie autant qu'il vous attire. Et le cœur de l'énigme réside dans la maison d'Ash Tree Lane - avec le troublant couloir de cinq minutes et demie - énigme racontée en fonction de la vidéo de Will Navidson : le "Navidson record".

"Mais le Navidson record n'est pas un produit hollywoodien et, au cours du film, Delial n'apparait qu'une seule fois, dans la séquence de Karen, encadrée de noir, figée, sans musique ni commentaire, juste Delial : un souvenir, une photographie, un objet."

Le talent de Danielewski réside dans le fait que l'on devient, au fur et à mesure des pages, une sorte de détective, et nous menons une enquête surnaturelle en même temps que ses héros. On peut légitimement se questionner sur l'éventuelle véracité de ce qui nous est racontée, tant la progression vers le fantastique est tangible. Plus on s'enfonce dans le récit, dans la maison, plus on se délecte et plus on veut comprendre et découvrir à nouveau.

"Dans  ces couloirs et escaliers répétitifs et sans fin, nous ne trouvons rien à quoi nous raccrocher. Cet endroit constamment étranger ne nous excite pas. Il nous ennuie, voilà tout, sauf que l'ennui n'existe pas. L'ennui est en réalité une défense psychique qui nous protège de nous-même, de la paralysie complète, en refoulant, entre autres choses, la signification de cet endroit..."

"La maison des feuilles", qui n'est autre que le travail de Zampanò annoté et amplifié par le journal intime de Johnny Errand, nous offre de magnifiques mise-en-abîmes, notamment lorsque Johnny nous parle du roman qu'il a écrit et que nous sommes nous-mêmes en train de lire.

Qu'est-ce que la maison des feuilles ? Ne sommes-nous pas comme Thésée, enfermé dans le labyrinthe de ce livre où les couloirs sont les phrases qui en ponctuent les pages, à la recherche du minotaure, une chose qui dépasse notre entendement ?

En définitive, "La maison des feuilles" est tout simplement fascinant et incontournable, à lire absolument !

 

ps : Sans parler des "Lettres de l'I.T.A.Whalestoe", partie épistolaire du roman dévoilant la correspondance de la mère de Johnny, et qui demeure un recueil à part entière, dont il faudra décrypter les messages plus la folie prend possession des écrits.

R.P.



28/08/2011
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