Contre-critique

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"La mort est mon métier" de R. Merle

"La mort est mon métier" de Robert Merle.

 

Paru en 1952, "la mort est mon métier" transcrit de manière mi fictive, mi historique, l'histoire de Rudolf Hoess qui apparait ici sous le nom de Rudolf Lang.

"C'était un peuple qui ne faisait rien sans intérêt, qui employait systématiquement les ruses les plus déloyales, et qui témoignait, dans le cours ordinaire de la vie, d'une lubricité répugnante."

Le jeune Rudolf vit sous l'emprise dominatrice de son père. Ce dernier veut pour son fils un avenir de prêtre dévoué à Dieu. Ironie du sort, Rudolf perdra la foi après un accident qui jettera le doute sur l'intégrité du père Thaler. Dès lors Rudolf se réfugie dans une discipline de fer qui ordonne minutieusement ses actes et l'éloigne des volontés de son père. Car dès qu'un de ses mouvements sortaient de la "règle":"une boule se nouait dans ma gorge, je fermais les yeux, je n'osais plus regarder les choses, j'avais peur de les voir s'anéantir." La vertu allemande et le devoir pour la patrie deviennent ensuite sa ligne de conduite, son moteur de stabilité émotionnelle. Et Rudolf s'engage dans l'armée. Il y développe une logique implacable, sans faille et sans état d'âme.

"...et je retrouvais, avec un profond sentiment de contentement et de paix, la routine inflexible de la vie de caserne."

La mentalité des allemands nazis de l'époque y est parfaitement retranscrite.

"L'esprit juif de critique et de dénigrement s'était insinué dans mes veines: j'avais osé juger mon chef."

Devoir et obéissance sont les maîtres mots de ce roman à la force rare, qui trace le destin d'un homme blessé obéissant comme une machine qui aboutira à l'atrocité.

"Désormais, par conséquent, tout était parfaitement simple et clair. On n'avait plus de cas de conscience à se poser. Il suffisait seulement d'être fidèle, c'est-à-dire d'obéir."

Le problème d'autorité et d'éducation patriarcale excessive semble, selon l'auteur, la cause des choix de Rudolf. Ce dernier fera de la prison, deviendra fermier et aura une famille, mais malgré tout, l'inflexibilité de l'armée le rappellera toujours et il finira capitaine SS à Auschwitz sous Himmler.

"-Il va sans dire que c'est surtout elles qu'il faut détruire.Comment peut-on supprimer une espèces, si l'on conserve les femelles?"

Toute la problématique du roman est de rendre le héro, personnage froid et coupable d'horribles crimes, attachant.

"...il n'a pu, en six mois, liquider plus de 80 000 unités.

Le Reichsführer fit une pause et dit d'un ton sévère:

-Ce résultat est ridicule."

Quand arrive le passage sur les camps de concentrations, le récit est effroyable vu l'horreur des faits, mais aussi fascinant car les morts ne sont plus du tout pris en compte, les hommes sont des unités, et seul le rendement et la façon d'éliminer ces unités posent problème. Rudolf n'est préoccupé que par l'équation; nombre d'unités, élimination, temps.

"Je ne suis qu'un rouage, rien de plus. Dans l'armée, quand un chef donne un ordre, c'est lui qui est responsable, lui seul."

Rudolf exécute parce que c'est un ordre, un devoir, et lorsque Himmler se suicide au lieu d'assumer ses responsabilités, Rudolf le voit comme la pire des trahisons; ce qui crée une empathie entre Rudolf et le lecteur.

"-Tu ne comprends donc pas! Il s'est défilé!...Lui que je respectais comme un père..."

Roman choc mêlant habilement fait historique et pure fiction, "La mort est mon métier" se lit avec un mélange d'effroi et de plaisir tout en soulevant de nombreuses questions; immanquable.

Si l'auteur vous plaît, lisez également son "Malevil" roman d'anticipation réussi.

R.P.



24/09/2010
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