Contre-critique

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"La perle" de J. Steinbeck

 

"La perle" de John Steinbeck.

 

"Autour de lui, les fourmis s'activaient - les grosses noires au corps luisant et les toutes petites, grisâtres et agiles. Kino les observait avec l'indifférence d'un dieu, pendant que l'une d'elles, poussiéreuse et affolée, tentait frénétiquement de s'arracher au piège d'un précipice sablonneux..."

Comment ne pas voir dans cette histoire tirée d'un conte traditionnel mexicain, une formidable métaphore du destin ? "La perle" nous raconte la vie d'un pêcheur indien, Kino, qui vit à La Paz avec sa femme Juana et leur fils Coyotito. Dans leur hutte, cette petite famille vit simplement mais avec bonheur car leur foyer les apaise. Et tous ceux qui veulent s'immiscer dans leur vie, qu'ils soient hommes ou même animaux, représentent un danger potentiel. Kino les voit d'un mauvais œil. Et le mal va frapper à leur porte dès le début du récit, avec l'apparition d'un scorpion.

"Il en sortit un papier maintes fois replié. Pli par pli, il l'ouvrit jusqu'à découvrir finalement huit petites perles plates, informes, aussi grises et repoussantes que des petits ulcères et presque sans valeur."

Après l'introduction d'un élément extérieur qui va les envoyer dans une situation délicates, on verra la confrontation entre cette famille dans le besoin et la riche société matérialisée par un gros médecin ingrat. Heureusement Kino ne tardera pas à trouver une énorme perle et l'on constatera aussitôt le changement d'attitude des uns et des autres face à la richesse.

"Chaque individu trouva la relation qui l'unissait à la perle de Kino et celle-ci devint part de tous les rêves, les calculs, les projets, les plans, les espérances, les vœux, les besoins, les désirs et les fringales de chacun. Et à tout cela un seul être faisait obstacle : Kino, si bien que, étrangement, il devint l'ennemi de tous."

Le talent de Steinbeck dévoile la force de la rumeur et de la convoitise (voir aussi "Des souris et des hommes"). Et ce qui semblait être le bonheur assuré pour Kino et les siens se révèlera bientôt une source d'ennuis considérable. Dans la découverte de la perle, les espoirs les plus fous sont sur le point de devenir réalité, pourtant un destin tragique va s'acharner contre eux et les poursuivre jusqu'au drame. Car tous les autres deviennent des envieux et leur malice va croître et s'infiltrer.

"Car on dit que l'homme n'est jamais satisfait ; qu'une chose lui soit offerte, et il en souhaite une seconde. Cela est dit dans un sens de dénigrement et c'est cependant là une des plus grandes qualités de la race humaine, celle qui la rend supérieure aux animaux, lesquels se contentent de ce qu'ils ont."

L'analyse du comportement humain est remarquable chez Steinbeck, et la crédibilité des personnages les rendent attachants. Nous sommes pris par le suspense lorsque le malheur frappe la famille indienne. Et les évènements s'enchaînent inlassablement, comme une colonne de fourmis qui poursuit sa route même si l'on pose un obstacle pour la stopper. Et le côté sauvage de l'homme, lorsqu'il est traqué, est décrit avec force.

La musique est omniprésente dans "La perle", Kino entend constamment deux types de musique en fonction des bons et mauvais éléments. Juana utilise également le chant pour apaiser Coyotito. Cet aspect du récit est envoûtant, presque shamanique. Il y a l'esprit des ancêtres dans ce roman.

"Et soudain, l'espace d'un éclair, Juana comprit que l'ancienne vie était finie à jamais. Un homme mort sur le chemin, et le poignard de Kino, rougi de sang, gisant à son côté, l'en convaiquirent sur-le-champ."

Court mais très perspicace et divertissant, "La perle" ravira tous les amateurs de littérature, avec son histoire profondément humaine et touchante.

R.P.



08/05/2012
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