Contre-critique

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"Le rabaissement" de P. Roth

 



"Le rabaissement" de Philip Roth.

 

"Être seul le terrifiait, il ne parvenait à dormir que deux ou trois heures par nuit, il mangeait à peine, chaque jour il envisageait de se tuer avec le fusil qu'il avait dans le grenier - un fusil à pompe Remington 870 qu'il gardait dans sa ferme isolée pour se défendre le cas échéant..."

Avec "Le rabaissement" Philip Roth - auteur du génial "Portnoy" - nous raconte la chute de Simon Axler, un comédien de théâtre renommé, âgé de 65 ans, qui va subitement se rendre compte qu'il n'a plus aucun talent. Après avoir subi plusieurs échecs sur les planches, Axler se retire, refuse de jouer à nouveau et se renferme dans un mal être qui lui donne envie de suicide. Au vu de ses noires pensées, Axler décide de se faire interner en hôpital psychiatrique. À sa sortie, il va avoir une liaison avec Pegeen Stapleford, une lesbienne de 25 ans sa cadette, et qui pourrait bien représenter une issue à son abattement.

"Et dans le salon, le tournoi de golf n'était pas terminé, mais ma fille de huit ans, ma petite Alison, était assise sur le canapé, sans sa petite culotte, et mon riche et puissant mari était agenouillé par terre, la tête entre ses petites jambes potelées."

Avec ce trentième roman, Roth n'a rien perdu de son écriture provocatrice qui dénonce les comportements déviants tout en révélant leur cruelle existence. On découvrira ainsi le destin tragique de Cybil Van Buren, une femme dont le mari abuse de leur propre fillette.

Au niveau sexuel non plus, Roth n'a rien perdu de sa verve. Entre l'ex copine Priscilla qui veut changer de sexe et les pratiques sexuelles du couple Axler/Pegeen (accompagnées d'accessoires), le lecteur pudibond aura largement de quoi s'offusquer.

Mais le roman de Roth ne se contente pas d'être cru, il est aussi sensible et touchant. Axler est un protagoniste profondément humain et désespéré, auquel on va s'identifier, en espérant que sa quête de délivrance puisse aboutir.

"Seul dans la pièce, Axler exultait de constater le retour de ses forces et de son élan vital, le reflux de son humiliation et la fin de son éclipse. On n'était plus dans le rêve ; le processus de renaissance de Simon Axler était amorcé."

Parmi la galerie de personnages, on trouve Jerry, l'agent artistique d'Axler, Louise, l'amante jalouse de Pegeen, ou encore Tracy, une blonde objet sexuel d'un soir. Chacun d'eux, bien que personnages secondaires peu approfondis, se révèle attachant et crédible. Simon Axler va naviguer au milieu d'eux, ou plutôt dériver, car sa lutte pour survivre est désenchantée. Et sa reconstruction depuis la perte de son talent n'est que factice. Et les évènements qui se jouent ne sont perçus que comme une mise en scène, et les mois gagnés aux côtés de celle qu'il idéalise ne signifie pour lui que reculer pour mieux sauter.

"Le rabaissement" vous vous en doutez, ressemble davantage à un parallèle avec "La mouette" de Tchekhov qu'à toute autre chose. Un court roman de Roth, sombre, maîtrisé et agréable, qui sera parfait pour découvrir l'auteur.

R.P.



15/05/2013
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