Contre-critique

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"Pierre et Jean" de G. de Maupassant

"Pierre et Jean" de Guy de Maupassant.

 

"Ho ! moi, je suis tout à fait de l'avis de Jean. Je n'aime que la simplicité, qui est, quand il s'agit de goût, comparable à la droiture quand il s'agit de caractère."

Ce quatrième roman de Maupassant est une véritable réussite qui nous parle de la vie, de ses drames, et des souffrances psychologiques qui en découlent.

"Le père Roland saisit la manne entre ses genoux, la pencha, fit couler jusqu'au bord le flot d'argent des bêtes pour voir celles du fond, et leur palpitation d'agonie s'accentua, et l'odeur forte de leur corps, une saine puanteur de marée, monta du ventre plein de la corbeille."

Tout d'abord l'écriture de Maupassant est un vrai plaisir de lecture, de par sa qualité, sa richesse, ses images poétiques, et sa force évocatrice des méandres de l'âme humaine.

"Elle ne pensait point, elle ne vagabondait ni dans les souvenirs ni dans les espérances, il lui semblait que son cœur flottait comme son corps sur quelque chose de moelleux, de fluide, de délicieux, qui la berçait et l'engourdissait."

Le roman, très court, seulement 160 pages, nous parle d'une famille vivant au Havre qui va connaitre une déchirure dont l'élément déclencheur sera l'annonce d'un héritage inattendu. Dès lors le fils Pierre va progressivement s'éloigner de son frère Jean et du reste de la famille.

"Des larmes apparurent dans ses yeux, ces larmes silencieuses des femmes, gouttes de chagrin venues de l'âme qui coulent sur les joues et semblent si douloureuses, étant si claires."

"Pierre et Jean" prend racine au sein de véritables décors, et la mer est omniprésente.

Maupassant y décrypte merveilleusement les sentiments humains. Les réflexions, questionnements et angoisses qui tourmentent les protagonistes sont décrits avec véracité, tout comme la jalousie, l'amour et les regrets qui les habitent.

"Il regardait le ciel clair, lumineux, d'un bleu léger, rafraîchi, lavé par la brise de la mer."

La plupart du temps, on suit le parcours de Pierre, l'aîné des deux frères, qui se distingue par son tempérament impétueux, et dont les révélations successives du récit vont le plonger dans un abîme de souffrances psychologiques.

"Le baiser frappe comme la foudre, l'amour passe comme un orage, puis la vie, de nouveau, se calme comme le ciel, et recommence ainsi qu'avant. Se souvient-on d'un nuage ?"

Le père est plus ou moins exclu du drame, et tout se joue entre Louise, la mère, et ses deux fils. Car la fortune exclusivement réservée à Jean fera ressurgir la vérité dissimulée jusque là.

"Oh ! comme il aurait voulu pardonner, maintenant ! mais il ne le pouvait point, étant incapable d'oublier."

En proie au remords et à la peine, Pierre va lentement dériver. Maupassant nous dévoile les moindres pensées de son personnage central et va maintenir un suspense diffus car on ne sait pas où tout cela va nous mener.

"Pierre avait reculé jusqu'à la cheminée, la bouche entrouverte, l'œil dilaté, en proie à une de ces folies de rage qui font commettre des crimes."

Maupassant nous livre une de ces histoires cruelles mais vrai, que l'on a peut-être approcher ou non, mais quoi qu'il en soit, dans laquelle on peut largement s'identifier. Les sentiments les plus profonds apparaissent et l'émotion pointe sous la beauté du texte.

"Il devina qu'elle approchait sa bouche, mais il ne sentit point les lèvres sur sa peau, et il se redressa, le cœur battant, après ce simulacre de caresse."

Emouvant, sincère et tragique, ce roman de Maupassant se lit d'une traite. Il réussit à approcher l'homme avec une justesse désarmante. A ne pas rater.

R.P.

 

 

 

 

 

 

 

 

 



07/06/2011
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