Contre-critique

"À la pointe de l'épée" d'Ellen Kushner.

"Michael oublia la mort à portée de main comme, en fait, les deux bretteurs semblaient l'avoir oubliée eux-mêmes, frappant et ripostant sans se presser sur le parquet blanc nettoyé, avec le haut plafond pour capter et renvoyer le tintement de leur acier."

Ce roman de cape et d'épée est adroitement écrit et nous offre un épisode du célèbre escrimeur Richard Saint-Vière. Les quelques combats qui y sont disséminés sont particulièrement appréciables, mais il faut savoir que l'histoire fraie avec un côté "gossip" lorsque les personnages de La Colline conversent entre eux et s'offusquent pour un rien, tout en manipulant secrètement leurs semblables à des fins politiques. On sent la touche féminine de la romancière qui apporte sensualité et poésie aux situations ; notamment pour l'attrait que se portent les personnages entre eux, ou encore la fascination d'Alec pour les feux d'artifices sur les bords de la rive.

"Richard se déshabilla en silence dans le noir, étalant ses vêtements sur le coffre pour les aérer. Alec souleva les couvertures pour lui... "Dépêche-toi, il fait froid." Entre les draps de lin, la chaleur d'Alec s'était répandue. Richard y plongea comme dans un bain chaud."

L'écriture se fait douce et plaisante, mais le rythme est un peu mou et l'on aurait souhaité davantage de rebondissements, autrement le récit se tient et nous divertit. On regrette qu'à la fin, la narration s'attarde sur le sort de lord Ferris ou encore sur celui d'Alec, au détriment de Richard Saint-Vière qui en est pourtant le héros.

Sans doute pas le meilleur roman de Kushner, mais suffisamment réussi pour nous donner envie d'en lire un autre.

R.P.