Contre-critique

"Anansi boys" de Neil Gaiman.

 "Deux grues à longues pattes que Gros Charlie avait d'abord prises pour des décorations de pelouse le regardèrent passer. L'une baissa vivement la tête puis se redressa, une grenouille bien grasse dans le bec. Par une série de déglutitions, elle commença à avaler sa proie qui se tortillait et battait des pattes."

Malgré une couverture particulièrement rebutante de laideur, par son côté criard, pixelisé et peu évocateur - mais ce n'est qu'une question de goût - le roman, lui, ne devient intéressant qu'à partir du chapitre quatre, lorsque Gros Charlie se fait entraîner par son frère Mygal en soirée. Le ton devient alors franchement comique et les péripéties désarmantes s'enchaînent avec rythme et allégresse. Avant cela, les 80 premières pages sont flottantes et peu convaincantes. Le chapitre cinq et les suivants s'avèrent tout aussi savoureux et empli de situations burlesques que le 4.

Le fait d'avoir une usurpation d'identité - par l'intermédiaire du frère Mygal qui va au bureau à la place de gros Charlie et qui sort avec sa fiancée - rappelle vaguement "Le double" de dostoïevski. Mais ce roman-ci n'a rien à voir avec le précité. D'ailleurs, arrivé à la moitié de "Anansi boys" on commence à s'ennuyer. Le récit n'est pas assez fou, pas assez sauvage, pas assez drôle, bref trop en demi-teinte par rapport à ce qu'il se propose d'être. Il est déjanté, certes, puisqu'un homme est poursuivi par des nuées d'oiseaux de toutes sortes, qu'il est peuplé de Dieux, araignée et autres, et de revenants, mais il manque malgré tout d'originalité, d'imaginaire débridé et de réelles surprises. On se lasse, malgré la douce folie ambiante. Au final, il s'agit d'un simple patchwork d'idées, mais les séquences ne sont pas assez prenantes et l'ensemble manque d'allégresse. "L’Océan au bout du chemin" ou même "Des choses fragiles" m'ont davantage convaincu. Par contre c'est quand même mieux que le très décevant "Mythologie viking" abandonné en cours de route.

R.P.