Contre-critique

Contre-critique

"Avant les diamants" de D. Maisons.

CVT_Avant-les-diamants_9718.jpg
 

"Avant les diamants" de Dominique Maisons.

 

 "En s'éloignant, Starace murmure in petto qu'il a bien mieux à faire que d'assister au tour de chant d'une négresse communiste chassée de Hollywood par le maccarthysme. La chambre se trouve au dernier étage de l'hôtel, il est tellement excité que la montée de l'ascenseur lui semble durer des heures."

Avec une langue acerbe et crue, l'auteur narre le destin de trois personnages centraux qui gravitent autour du cinéma dans les États-Unis des années 50. Façon roman choral, on se plonge dans les moments clefs d'une époque grâce à divers protagonistes. On découvre la force militaire, les essais nucléaire et l'espionnage, avec Chance Buckman et Annie Morrisson ; les tournages sordides, les stars vieillissantes et la magouille, avec Larkin Moffat ; et enfin la religion illusoire et dépravée, avec le père Starace. Bref, il ne faut pas avoir froid aux yeux car les personnages sont tour à tour vulgaires, racistes ou homophobes, et parfois même antisémites. Le sexe y est vulgaire, voire blessant, et les esprits mal intentionnés, mais cela correspond aux mentalités des années cinquante.

Au cours de la lecture, on tombe sur beaucoup de situations gênantes, avec de la torture, du sexe et des lubies excentriques, et pourtant, le roman est vraiment plaisant à lire. Le personnage de Didi, par exemple, y est remarquablement bien écrit, et l'on est scotché certains moments comme celui où Moffat, au repas des Oscars, croit que son amante se fait harceler par une langue de vipère, alors que, bien au contraire, elle se fait ouvertement draguer.

Paradoxalement, ce roman noir ne contient pas de meurtre - exceptées dans les toutes dernières pages - et vous n'y trouverez pas véritablement d'enquête à résoudre ; ce qui extrêmement agréable et original.

"Dès le début, les locaux ont trouvé que leurs tenues, leur manière de parler et leur violence ressemblaient plus à des moeurs de gangsters que d'artistes. On ne savait pas encore que mafia et cinéma étaient des synonymes, que Louis B. Mayer, les frères Loew, les frères Warner avaient grandi dans les mêmes rues que Capone, Luciano, Nitti et consorts."

Les faits historiques sont repris et décortiqués au fil des pages, et l'auteur se permet des analyses au vitriole. On y croise également de nombreuses stars de l'époque, comme Errol Flynn, Hedy Lamarr ou Clark Gable. Quant aux situations de chaque protagonistes, elles sont habilement variées. Le rythme général, lui, est bien cadencé et il n'y a pas de creux au cours des 500 pages du roman. Seules quelques zones restent dans l'ombre, comme par exemple, la manière dont Buckman rembourse son pari perdu aux courses, alors qu'il n'avait que trois jours pour le faire. On se demande également pourquoi l'auteur fait de Liz Montgomery une "beauté volée", mais peu importe, son récit est haletant, corrosif et finit en apothéose, alors que demander de plus ?

Une très belle surprise que ce roman noir prenant et original, qui sort des sentiers battus, et qu'il faut découvrir d'urgence pour qui aime le genre !

R.P.



18/02/2024
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres