Contre-critique

"Awash" de Claude Vigna.

"L'Éthiopie défile devant l'écran d'une vitre ouverte à sa beauté, à sa diversité, faite de déserts, de la multitude de ses lacs volcaniques posés tels des nénuphars providentiels sur une mer de sable et de pierres, des plateaux que l'on gravit par les vastes marches d'un escalier géant où la végétation varie..."

À tour de rôle, Mario et Marie prennent la parole pour nous livrer, au rythme de la guerre, leur quotidien. L'un fait partie des forces militaires italiennes en Éthiopie, l'autre, française, travaille pour une ambassade. Mario ne manie pourtant pas les armes et ne s'identifie pas au fascisme, contrairement à sa patrie d'origine. Marie, elle, ne quitte guère son lieu de travail et refuse les rencontres amoureuses et les mondanités. Pourtant leurs destinées vont finir par se croiser, irrévocablement.

L'écriture est très poétique, pleine de jolies images et de rêves utopiques. Au fil des pages, on plane comme dans un songe, tant le fil des événements est aérien. Malgré les affrontements, et la guerre qui sévit, les deux personnages semblent passer au travers du conflit, comme si celui-ci n'était qu'un mirage. Bien que Mario soit capturé plusieurs fois, le lecteur semble davantage bercé par les mots que pris à la gorge par une narration sèche et tournée vers l'action.

On voyage, plus calmement que l'on pouvait s'y attendre, et l'on découvre une part d'histoire méconnue concernant ce modeste pays d'Afrique. Une certaine tendresse se déroule, au fil des péripéties, alors que l'ancrage dans le réel semble ténu, mais cela s'avère plaisant si l'on apprécie les sentiments simples et humanistes, qui essaient de transcender l'âpreté du réel.

R.P.