Contre-critique

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"Konbini" de S. Murata

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"Konbini" de Sayaka Murata.

 

"Pour moi, il semblait évident que ma famille serait ravie de manger cet oiseau. Après tout, mon père adorait ça, et ma soeur et moi raffolions du poulet frit. Ce n'étaient pas les passereaux qui manquaient au parc. Pourquoi fallait-il enterrer celui-là, au lieu de le manger ? Ça me dépassait complètement."

Après avoir lu "Les Terriens", une véritable transgression poussée à son paroxysme, voici que l'on retrouve, dès les premières pages, le style si particulier de la romancière. À savoir un personnage féminin décalé, en marge des rapports sociaux habituels, et presque extraterrestre - ou sociopathe, c'est selon - de par son manque d'empathie, (voir l'idée du couteau pour arrêter les pleurs d'un bébé).

Cette fois, elle s'appelle Keiko Furukura et elle travaille à temps partiel dans un konbini. Elle s'y applique de toutes ses forces et prend goût à chacune des tâches exigées par le magasin, car tous ses actes demeurent maîtrisés, feints, et robotiques. Autrement, vis à vis des autres individus qu'elle côtoie, Keiko se sent beaucoup trop différente.

"L'oeil rivé sur Dat, le nouvel employé de nuit vietnamien qui tient la caisse comme si sa vie en dépendait, et sur le gérant qui fait les cent pas en l'épiant, j'engloutis ma pitance, déjà en uniforme afin de pouvoir courir leur donner un coup de main si nécessaire."

Là où "Les Terriens" dépassent toute limites convenables et transgressent les bonnes moeurs, "Konbini" demeure correct et tout à fait recommandable ; ce qui explique le prix littéraire qu'il a obtenu.

Attention "spoiler" : Alors que dans "Konbini", tout fini pour le mieux car, finalement, malgré l'originalité et l'incompréhension dégagés par le personnage central, ce dernier retrouve le droit chemin et décide de se consacrer pleinement à son travail, en se réinsérant au sein du moule sociétal et en se séparant du véritable parasite dénommé Shiraha, qui, lui, veut disparaître et rester enfermé et entretenu à l'écart du monde, dans "Les Terriens", c'est le personnage central qui influe sur les autres, notamment sur son cousin, et qui choisit délibérément de s'exclure du monde social et d'outrepasser les règles prédéfinies en arrêtant de travailler, en dérobant la nourriture des voisins et en tuant et dévorant sans scrupule, accompagné de son complice de mari.

"Konbini" s'avère une vraie réussite, un roman court, marquant et original, qui dévoile une nouvelle facette du citoyen tokyoïte. À découvrir d'urgence !

 

ps : Le second livre de Murata, "Les Terriens", met réellement le raisonnable de côté, pour nous plonger dans les affres de la décadence citoyenne.

R.P.



29/07/2022
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