Contre-critique

"L'élève" d'Henry James.

"Sa mère appuya ce jugement avec enthousiasme, déclarant que les mots de Morgan faisaient les délices de la maison. Le garçon, sans prêter aucune attention à ce qu'elle disait, interrogea soudain le visiteur, qui se demanda plus tard comment son effronterie - pour ne pas dire son incorrection - ne l'avait pas choqué"

Pour une oeuvre de 1891, "L'élève" est une nouvelle parfaitement fluide et directe, qui ne s'encombre pas de fioritures et de descriptions alambiquées. En quelque chapitre, Henry James dresse le portrait de deux figures, un élève, Morgan Moreen et son précepteur, le jeune Pemberton.

La langue est érudite et habile, les propos sont fins et justes, bref, on est dans de la belle et haute littérature. Mais je ne sais pas à quel point la traduction de Paul Hermann apporte quelque chose au texte, par rapport aux traductions antérieures, nombreuses.

À noter que sur la quatrième de couverture, on décèle une faute majeure dans l'extrait choisi, à savoir le mot "différant". Comment est-il possible qu'un "e" puisse remplacer un "a" sans que personne ne s'en aperçoive, et à deux reprises ? D'abord dans le texte lui-même, mais également au dos de l'ouvrage. Cela donne vraiment envie de s'intéresser à une autre traduction pour comparer le travail de Paul Hermann.

Attention spoil : pour en revenir au texte lui-même, la nouvelle met en relief le lien qui unit le précepteur à son élève. On découvre que le jeune Pemberton est prêt à sacrifier ses honoraires pour continuer à faire l'éducation de Morgan, et que les parents dudit Morgan en sont parfaitement conscients. C'est un peu leur pratique secrète et entendue.

Malheureusement, même si le personnage de la mère est intéressante dans son caractère, tout va trop vite et manque de détails. De même, la fin arrive trop subitement et ne produit pas l'effet escompté. On n'a pas le temps d'être ému, on est juste pris de cours, et l'on se dit : "Ah bon, déjà?". Si la nouvelle ne peut être qualifiée de bâclée, elle est pour le moins trop précipitée.

Dommage, on attendait mieux de la part d'Henry James, et l'on comprend pourquoi "L'élève" n'est pas son oeuvre la plus connue. On est loin d'un texte réellement marquant.

R.P.