Contre-critique

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"L'esprit de la science-fiction" de R.Bolano

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"L'esprit de la science-fiction" de Roberto Bolano.

 

"Je me sentis heureux, j'imaginais qu'il n'était pas trop tard, mais même si toutes les lumières s'éteignaient et qu'il ne restait plus que moi et le bout de ma cigarette allumée en suspens sur ce balcon merveilleux, cette espèce de beauté ou de terrible sérénité transitoire ne s'estompait pas. La lune semblait crépiter au-dessus de la réalité."

Contrairement au passage ci-dessus, la tonalité générale du roman "L'esprit de la science-fiction" n'est pas toujours aussi belle et poétique, cependant les parties qui décrivent la vie de ces jeunes écrivains ou poètes en devenir sont d'une grande tendresse et rappellent cette insouciance d'une jeunesse rêveuse vis-à-vis de son rapport au monde. En ce sens, cela peut nous faire penser au roman "Sur la route".

Au départ, on a du mal a définir le narrateur, à cause des passages d'interview et des lettres qui sont celles d'un autre. Puis au fil des pages, on découvre Remo, le colocataire de Jan, un passionné de science-fiction qui écrit des lettres à ses auteurs favoris, et de José Arco, un poète motard et bagarreur.

"Laura les laissait toujours entrer. Les premières fois j'étais tendu, prêt à me battre et à tomber couvert de sang sur le carrelage du compartiment privé. Je pensais que le plus logique était qu'ils venaient nous voler ou violer Laura, et même me violer moi, et j'avais les nerfs à fleur de peau."

Plus on avance dans la lecture, plus ce court roman devient intéressant. On cerne mieux les personnages et leurs amours fragiles. En fait, la construction alternative de la première partie n'est pas des plus abouties, et la deuxième ainsi que la dernière partie sont bien plus condensées et efficaces. D'ailleurs, seule la dernière est vraiment mystérieuse et ambiguë, comme sait les écrire Bolano, lorsque Remo se retrouve avec Laura dans les bains publics vaporeux.

Un récit qui vaut réellement la lecture pour son Manifeste mexicain final.

 

"Les déboires du vrai policier

 

"... dit Anna Carrera, contrariée au fond d'elle-même qu'un homme aussi beau, et elle le trouvait vraiment beau, avec ses cheveux blancs abondants, un corps mince et sec et une stature de jeune premier, ait préféré coucher avec des garçons probablement boutonneux plutôt qu'avec des femmes."

Tout commence avec Amalfitano, un quinquagénaire qui travaille à l'université de Barcelone. Il est père d'une fille nommée Rosa, et est ami avec les Carrerra, un couple de professeurs. Malheureusement Amalfitano couche avec Padilla, un étudiant bagarreur, et voit son avenir contrarié.

Le récit se déroule au Mexique, à Santa Teresa. Mais ce qu'il détient de remarquable, c'est sa construction en courts paragraphes. Chacun d'eux possède un style et du caractère, comme ce chapitre 5 de la première partie, qui constitue une sorte d'anaphore en "moi qui", avec une unique phrase courant sur plus de cinq pages. De plus, chacun des paragraphes mis bout à bout permet de révéler l'ensemble du récit, en s'attardant chaque fois sur une idée ou un personnage bien précis.

"Les déboires du vrai policier" est beaucoup plus mature et abouti que le précédent "L'esprit de la science-fiction" qui, lui, demeure une oeuvre de jeunesse. Cependant, "Les déboires..." demeure un roman inachevé, ce qui est vraiment dommage lorsqu'on voit la structure qui se met en place et son suspense : entre Amalfitano, espionné par le jeune flic Pancho Monje, les premiers meurtres de femmes, annonciateurs d'une série, et Arcimboldi (dont Amalfitano fut le traducteur) et qui semble s'intéresser à la magie et au changement d'identité.

 

Deux oeuvres posthumes et non abouties mais qui mérite le détour pour qui apprécie l'auteur.

R.P.



17/12/2021
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