Contre-critique

"L'éveil" de Line Papin.

"Transpercée par la lumière vive de midi, l'intimité avait fondu : la pièce était baignée de soleil, tout était dévoilé au grand jour et retombait brutalement sur le sol, sur les murs, la réalité crue soudain plaquée contre les objets, les surfaces, les plans carrés."

Après un démarrage fort laborieux, avec un dialogue peu compréhensible entre deux personnages inconnus du lecteur et qu'on peut difficilement cerner - heureusement il est court, 8 pages seulement - on aborde le récit d'une rencontre entre Juliet et son amant. Les chapitres s'alternent alors entre le point de vue de Juliet et celui de l'homme aux yeux jaunes, son amant. On ne connait pas son nom mais on découvre, au fil des pages, qu'il a du retard dans le loyer, qu'il travaille à l'Ermitage comme serveur et aime beaucoup lire. Il est également l'ami de Raphaël, à qui Juliet se confie, et il fréquentait précédemment une certaine Laura.

Le récit est très poétique, très vibrant de vie et d'émotion et c'est fort appréciable. L'écriture est fluide et continue comme une mélopée, tout en étant imagée et agréable.

"Elle avait une indécence étrange ; son corps s'offrait à tout, partout, s'exhibait, et elle s'en foutait. C'était comme si elle voulait s'en débarrasser, de ce corps qui la gênait, comme si elle voulait nous le jeter à la figure, écarter les jambes et insulter la vie, m'insulter moi aussi."

Plus l'histoire avance plus on se laisse bercer par les événements racontés au jour le jour, et plus les protagonistes semblent attachants. Ils traversent leur propre histoire comme s'ils se regardaient eux-mêmes, et cela nous apparaît tendre et mélancolique.

On passe de l'idylle au cauchemar pour Juliet et son histoire est forte d'intensité. Le personnage de Laura est également fascinant et peu commun.

Finalement, Line Papin fait de nous les témoins d'un drame, à la fois cruel et malheureusement banal.

L'originalité ne vient ni du sujet ni de ses quelques rebondissements, mais plutôt de l'écriture épidermique et pleine de fureur. Tout y est exacerbé et à fleur de peau, un peu comme chez Damasio, bien qu'ils ne concourent pas du tout dans la même catégorie.

Un premier livre qui donne envie de voir ce que donnera la romancière dans ses futurs écrits.

R.P.