Contre-critique

"L'hôtel de verre" d'Emily St. John Mandel.

"Marie, sa femme, ne se réveilla pas. Il avait délibérément bu un whisky de trop, espérant que cela lui permettrait de s'endormir, mais on aurait dit que le graffiti avait ouvert dans la nuit une brèche par laquelle s'engouffraient toutes ses frayeurs."

Dans un premier temps, ce roman choral nous ébouriffe tant il regorge de destin entremêlés et de personnages qui se croisent. Tout commence avec Paul, jeune homme mal dans sa peau, ancien drogué, qui tente de ne pas s'isoler du reste du monde. Les chapitres dans lesquelles il découvre Annika sont grisants de justesse. Ensuite, on bascule sur Vincent, la soeur de Paul, qui deviendra la compagne de Jonathan Alkaitis, le riche propriétaire de l'hôtel dans lequel tous deux travaillent. Puis Alkaitis devient le personnage central et ainsi de suite.

Malheureusement, arrivée à la troisième partie, l'histoire tire en longueur et l'on aurait souhaité que l'auteur aille plus rapidement à l'essentiel, plutôt que de tergiverser longuement alors qu'on sait déjà que l'affaire de l'échelle de Ponzi mène a une arrestation. Pourquoi consacrer tant de pages à des personnages secondaires et la société dans laquelle ils travaillaient ? Heureusement, la plupart des protagonistes qui gravitent autour des trois principaux ont un rôle à jouer, et parfois majeur.

La révélation concernant celui qui a écrit sur la baie vitrée de l'hôtel est également étonnante et très appréciable. En diminuant les sinuosités littéraires, elle aurait gagné en efficacité.

Le rôle d'Ella Kaspersky face à Alkaitis est franchement réussi, même s'il est noyé dans le flot de l'écriture.

Dernière remarque, nous sommes davantage dans le registre du surnaturel que dans celui du polar. Ici, il n'y a pas de meurtre et les apparitions de personnes décédées sont de plus en plus fréquentes au fil du récit.

On regrette que ce roman ne soit pas à la hauteur de l'incroyable "Station Eleven", son chef-d'oeuvre, mais il est tout de même bien écrit et mené avec adresse, sans être exceptionnel.

R.P.