Contre-critique

Contre-critique

"La reine en jaune" de A. Fager

51UV4bNoTkL._SX303_BO1204203200_.jpg

"La reine en jaune" de Anders Fager.

 

"My regagne la galerie. L'air est chargé d'attentes, de bourdonnements de caméras et de chuchotements. Rien d'inhabituel. Que va-t-elle faire ? My Witt, la cinglée. My Witt, l'artiste porno. My Witt, l'inoffensive. Elle voudrait en coller une à quelqu'un. Hurler un truc hystérique."

Attention, les fragments numérotés du recueil sont en dents de scie, par contre la première nouvelle nous abasourdit. L'histoire de My Witt, cette artiste qui tient une galerie et qui s'adonne à des performances hors normes, nous surprend autant qu'elle nous choque. Âme sensible s'abstenir, "Le chef-d'oeuvre de mademoiselle Witt" navigue entre sexe, philosophie et meurtre. On est proche du réalisme bien que le surnaturel fasse aussi son entrée aux confins du récit. Avec l'apparition de Carcosa et de certains adeptes, on est bien sûr plus proche de Chambers et de son "Roi en jaune" que de Lovecraft. D'ailleurs le titre y fait directement référence. Avec cette nouvelle, Fager démontre qu'il a le sens du suspens et de la narration.

"Que peux-tu nous offrir en gage ?

- Je vous donne ma ceinture, la marque de la prostituée sacrée. Je suis dénudée devant tous pour être prise et labourée comme la terre que nous possédons."

Dans "Cérémonies" la seconde nouvelle, on se retrouve à Trossen, dans une maison de soin pour personnes âgées, autour d'un groupe d'individus qui exécute des cérémonies occultes avec les résidents en déambulateurs du quatrième étage. Le récit est totalement déconcertant : à la fois sombre et prophétique, mais aussi drôle et décalé. Néanmoins, ce deuxième récit est bien moins mémorable que le premier.

Le troisième, "Quand la mort vint à Bodskär", narre l'assaut d'un groupe d'hommes armés. Malheureusement, le fond manque à l'appel bien que le récit soit soigneusement écrit. Les villageois mi homme mi créatures marines, quant à eux, sont beaucoup trop banals, mais rappellent l'Innsmouth de Lovecraft.

"Les étoiles ne sont pas dans le bon alignement. S'attirer les inquisiteurs n'est pas une bonne idée, chuchota Fredman. Si celui qui rêve dans les profondeurs de la mer peut attendre le bon moment, vous aussi."

Dans "La reine en jaune", on retrouve enfin My Witt, mais à l'asile. Elle subit un traitement peu enviable de la part des matons et prépare sa vengeance. Une deuxième partie captivante dans la forme et qui s'apparente à un cauchemar.

La dernière nouvelle, "Le Voyage de Grand-mère", narre le périple de Zami et Janock qui vont chercher Grand-mère. Il s'agit d'une sorte de road-trip assassin et surnaturel où l'on suit le parcours de deux membres d'une étrange Meute qui prie Yog-Sothoth.

Finalement, ce recueil ne vaut la lecture que pour les deux nouvelles impliquant My Witt, les autres étant tout à fait subsidiaires. Dommage car l'énoncé d'un Lovecraft suédois sous acide avait de quoi nous appâter.

R.P.



02/01/2022
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres