Contre-critique

"La Vraie Vie" d'Adeline Dieudonné.

"Il claquait la porte d'entrée, jetait ses clefs et sa mallette, puis il commençait à chercher... une raison pour cracher toute sa colère. Il passait dans chaque pièce, observait tout dans la maison, le sol, les meubles, ma mère, Coco, Gilles et moi. Il flairait. Dans ces moments-là, on savait qu'on devait disparaître dans nos chambres."

Roman efficace et incisif, "La Vraie Vie" nous plonge dans la vie d'une petite fille de onze ans qui subit les affres de la vie ; père irascible passionné de chasse, mère inexistante, voisin violent. Elle va être témoin d'un accident dramatique et, dès lors, sa vie et celle de son frère vont changer.

Les rebondissements sont nombreux, les péripéties surgissent lorsqu'on s'y attend le moins, bref, le roman nous surprend de nombreuses fois et nous passionne par sa singularité et son mélange de candeur et de brutalité.

"Il a eu son mouvement bizarre avec sa mâchoire. Ce mouvement qui disait qu'il avait envie de frapper. On a continué à manger l'agneau cru en silence. Mais j'ai compris que, désormais, j'étais devenue une proie. Comme ma mère."

Les événements se déroulent sur plusieurs années, mais cela nous est raconté d'une traite. Comme si l'histoire se déroulait avec une unité de temps et de lieu et très peu de personnages. Seule la relation avec un professeur, un voisin athlétique et les membres de la famille nous est raconté. La romancière ne décrit pas de scène à l'école ou à l'extérieur du lotissement, exceptée la forêt adjacente.

C'est la quête d'une petite fille qui traverse l'adolescence en voulant sauver son frère des griffes du mal, matérialisé par une hyène, qui nous est conté. Elle lutte pour sa survie et finit par se confronter à l'autorité paternelle qui devient du harcèlement.

On regrette seulement les changements d'attitude du frère de l'héroïne, nommé Gilles, et qu'on ne s'explique pas. Autant le père et la mère sont bien creusés, autant les revirements du petit frère demeurent mystérieux et trop peu développés.

Très rythmé et presque sans temps mort, ce premier roman interpelle et satisfait le lecteur qui aura envie de lire "Kérozène", l'autre roman de Dieudonné.

R.P.