Contre-critique

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"Le signal" de M. Chattam

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"Le signal" de Maxime Chattam.

 

"Cette fois on renifla dans le haut-parleur. Lourdement.

- Liiiiise..., fit une voix rêche et craquante, je te... sens...

Ses jambes se vidèrent de leur matière, elle tenait à peine debout. Elle paniquait."

Disons-le d'emblée, ce roman est assez kitch et foncièrement peu effrayant. Cela commence avec une baby-sitter qui entend une voix prononcer son nom dans le baby-phone, et cela s'avère si peu original que c'en devient gênant. Par la suite, les effets "effrayants" s'enchaînent mais rien que du déjà-vu. Un homme est attaqué dans le vide sanitaire d'une maison, un épouvantail poursuit des adolescents dans un champs de maïs, et une femme se fait attaquer, seule dans sa baignoire. On a du mal à y croire et, en tant que lecteur, on se dit que Chattam aurait pu faire preuve de tellement plus d'originalité. D'ailleurs, à trop vouloir faire comme les américains, en usant de lieux communs et de noms de personnages tel que Ashley Foster, Corey, Chadwick ou Ethan Cobb, son récit sonne presque faux. On a vraiment du mal à y croire.

Paradoxalement, les péripéties s'enchaînent avec fluidité, le récit est maîtrisé, et l'on semble guidé par un "page turner" efficace. Le roman se lit sans la moindre difficulté et avec une facilité naïve à même d'accrocher les lecteurs insouciants ou peu exigeants.

"Les lames venaient de surgir à travers le rideau de maïs juste sur sa droite et son T-shirt s'ouvrit en lanières horizontales avant qu'il ne s'imbibe d'une large auréole sombre. Puis ses entrailles se déballèrent devant lui comme si son propre ventre vomissait tout ce qu'il pouvait, boyaux, organes..."

C'est malheureux à dire mais, dès lors que l'auteur essaie de nous faire peur, ça tourne presque au ridicule et les clichés usités sont vraiment inefficaces. Par contre, il est toujours meilleur lorsqu'il aborde des sujets sociaux éloigné du registre de l'horreur. Par exemple, le comportement protecteur d'Olivia vis-à-vis de Gemma, l'attitude de Derek Cox, qui n'est rien d'autre qu'un harceleur, ou encore les déboires du policier Ethan avec le chef Warden sont suffisants en eux-même. En fait, on aurait préféré une histoire plus conventionnelle, avec une famille qui doit simplement s'acclimater à son nouvel environnement, et faire face à quelques accidents et une baby-sitter en prise avec un voyou, mais sans qu'on essaie à tous prix de nous faire peur à l'aide d'histoires surnaturelles absurdes et caricaturales. C'est le comble pour un roman dont la phrase de couverture est "Avez-vous déjà eu vraiment peur en lisant ?"

"Lorsqu'ils sortirent du bar, Ethan tint la porte pour qu'elle puisse passer et Ashley l'effleura de sa poitrine. Leurs regards se croisèrent et elle s'immobilisa. Dehors il tombait des trombes d'eau. Elle hésita. Lui aussi. Le moment sembla s'éterniser. Des puissances intérieures s'affrontèrent..."

Après quelques centaines de pages, on se lasse des rebondissements systématiques de fin de chapitre et le pourquoi de l'affaire avance beaucoup trop lentement. D'une certaine manière, le récit s'embourbe, et l'on a hâte que tout cela finisse.

Le mieux s'avère être les deux cent cinquante dernières pages, lorsque le danger atteint son paroxysme et que les spectres fondent sur la ville. À ce moment-là, on bascule dans un récit bourré d'action et l'on veut juste savoir qui va s'en sortir. Comme quoi, la peur n'est pas son fort. Vivement qu'il s'en débarrasse pour nous donner un roman plus conventionnel mais aussi plus haletant et plus efficace.

R.P.



17/11/2022
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