Contre-critique

"Les Catilinaires" d'Amélie Nothomb.

"Nous eûmes beau attendre, il ne répondit rien. Je ne pouvais pas m'empêcher de l'admirer ; qu'il fût demeuré ou non, il avait ce courage ou ce culot que je n'avais jamais eu : ne rien répondre. Ni "Je ne sais pas", ni haussement d'épaules. Indifférence absolue. De la part d'un homme qui s'imposait chez moi pendant des heures, cela relevait du prodige."

Comme souvent, dirait-on, ce livre d'Amélie Nothomb est un concept. Une idée survenue à la romancière et qui en tire le fil jusqu'à plus soif. Il s'agit d'imaginer la présence redondante d'un voisin chez un couple sans histoire. Que feriez-vous, à leur place ? Quel changement s'opérerait si un étranger venait vous déranger tous les jours à la même heure. De ce postulat, proche de l'absurde, Nothomb écrit une histoire efficace, inspirée et cocasse, telle une longue nouvelle. On s'interroge, on s'étonne et on rit en visualisant l'excentricité des situations, surtout lorsque la dénommée Bernadette fait son apparition.

"Bernadette ne possédait pas de nez ; de vagues trous lui tenaient lieu de narines. De minces fentes situées plus haut comprenaient des globes oculaires : peut-être des yeux, dont rien ne permettait d'affirmer qu'ils voyaient. Ce qui m'intriguait le plus était sa bouche : on eût dit celle d'une pieuvre."

Rien n'est vraiment époustouflant dans ce récit, mais il interpelle suffisamment pour qu'on ait envie d'aller au bout et d'en connaître le dénouement. C'est tout de même l'essentielle, me direz-vous.

On reproche seulement un léger manque de crédibilité de la part du couple à la retraite, mais cela passe avec l'étrangeté de l'histoire.

Navrant, effrayant ou attachant, à vous de voir, mais l'originalité a permis à l'insolite romancière de s'imposer dans le monde littéraire contemporain. À découvrir.

R.P.