Contre-critique

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"Les Terriens" de S. Murata

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"Les Terriens" de Sayaka Murata.

 

"Je tends la spatule à une tante et me lève. Dehors, les insectes stridulent. Il fait déjà nuit noire, et par la fenêtre de la cuisine, le ciel a la couleur du cosmos."

Quelle joie nous éprouvons à l'entame de ce roman ! L'originalité, la puissance évocatrice alliée à la simplicité de l'écriture, et la façon de faire comprendre certaines choses sans les dire nous subjuguent. Les relations entre les personnages sont fortes, le lecteur n'est pas pris pour un imbécile, et le style si singulier de l'ouvrage nous relègue aux frontières du rationnel. On relève immédiatement une différence de comportement à l'égard des enfants d'une même fratrie, entre Natsuki, le personnage central, et sa jeune soeur Kisé, véritablement choyée par leur mère, ce qui se révèle alarmant. Quant à la ressemblance entre les deux amoureux, Natsuki et son cousin Yû, tous deux demeurant à l'écart du monde, elle laisse présager des choses surprenantes.

"Nous décidons que c'est à Yû de conserver la feuille où est écrit notre serment. Car ma mère et ma soeur ont pour habitude de jeter mes affaires, aussi me semble-t-il plus sûr de le lui confier."

Les péripéties s'enchaînent sans temps morts et certaines nous glacent d'effroi. Notamment l'attitude du professeur Igasaki qui, néanmoins, demeure admiré par ses élèves. À ce sujet, sachez que la morale de l'histoire est mise à bas et que les idées ou comportement adoptés par les protagonistes risquent d'en choquer plus d'un. Nous sommes loin, mais alors très très loin, de l'histoire mièvre, anodine et condescendante !

"Telle une secte, ma mère et ma soeur ne cessent de me répéter comme il est merveilleux de devenir "maman". Je veux bien subir un lavage de cerveau, mais si elles croient qu'elles vont réussir cette opération en répétant comme une prière bouddhiste que "c'est merveilleux, la maternité", elles se trompent."

"Les Terriens" saura satisfaire les lecteurs qui se sentent étranger au système et à l'organisation humaine, qu'ils soient laissés pour compte ou simplement atypiques. Pour les autres, le roman pourrait s'apparenter, par des moyens peu communs et cinglants, à un pamphlet contre l'intolérance et le manque d'ouverture d'esprit.

Notez cependant que la fin du récit va perpétrer des atrocités et s'engager dans une voie de non retour pour le moins atroce. Dans le même genre, mais d'une manière beaucoup plus modérée et convenable, lisez le premier roman de Murata, "Konbini".

À découvrir pour qui n'a pas froid aux yeux !

 

(ps Si vous voulez lire un roman sur deux enfants en quêtes d'intégration beaucoup plus modéré mais tout aussi intéressant et original, lisez "J’adore" de Kawakami.)

R.P.



15/07/2022
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