Contre-critique

"Les vrais durs" de Tom Coraghessan Boyle.

"Tous possédaient des rudiments d'anglais, grâce, primo, à l'hégémonie de l'empire américain et, secundo, à la fièvre consumériste qui continuait de se répandre par cercles concentriques de plus en plus vastes, au point que le message "Achetez maintenant, payez plus tard", en passe de devenir une psalmodie de vaudou tribal, résonnait désormais aux quatre coins du monde."

Dès le départ, on est scotché. On suit Sten et le groupe de retraités auquel il appartient qui voyagent au Costa Rica. Tout n'est pas idéal et cela le devient encore moins lorsque le groupe se retrouve pris au piège d'une embuscade armée. La réaction de chacun, les conséquences de l'auto-défense, tout est crédible et gorgé de suspense, même les répercussions vis-à-vis de la police.

Ensuite, après cette introduction plutôt isolée, l'auteur passe comme à son habitude à autre chose. Il nous fait suivre les pérégrinations de Sara, une quadragénaire qui semble totalement allumée et en marge de la loi. Elle refuse de coopérer avec les autorités et se retrouve en situation délicate. Vient ensuite le tour d'Adam, le troisième personnage central, encore plus fou que Sara, et réellement malade pour le coup. Tous deux vont nouer une relation tandis que le roman se déroule avec maîtrise et diversité.

Le style de Boyle est efficace. Le ton est sombre, les péripéties nombreuses, et les personnages bien campés. On passe tour à tour du point de vue d'un personnage à l'autre, mais sans faire de redite et en faisant avancer l'histoire commune. L'ensemble est très corrosif, parfois drôle, et traite subtilement du racisme, de l'isolement, voire de l'ostracisme, et de la violence sous-jacente qui ronge les individus.

Dans un joli parallèle qui décrit les aventures de John Colter, un soldat et trappeur ayant participé à l'expédition historique aux côtés de Lewis et Clark, l'auteur donne à voir des américains en décalage avec leur époque et en proie à une violence excessive.

Tout comme "Voir la lumière", ce roman permet une très bonne entrée en matière dans l'univers de ce grand romancier !

R.P.