Contre-critique

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"L'été de Katya" de Trevanian

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"L'été de Katya" de Trevanian.

 

"Bien que le profit occupe un rang si éminent dans la hiérarchie morale de la bourgeoisie française qu'il jugule sans mal d'erratiques élans de scrupule et de pudeur, il est possible que les commerçants les plus chastes de Salies aient trouvé choquant le traitement cavalier avec lequel le Dr Gros choyait ses patientes..."

Ô quel plaisir, à l'entame de ce roman ! L'écriture de Trevanian est une merveille de constructions ciselées et abouties qui expriment les idées avec une verve digne des maîtres de la littérature française. En poussant le bouchon, on croirait lire du Balzac tant la langue est maîtrisée. Rares sont les auteurs de littérature américaine capables d'avoir une telle prodigalité de vocabulaire. À ce sujet, la traduction semble y être pour beaucoup, telle la somptueuse et poétique traduction française de "Lolita" par Éric Kahane. Du coup, chaque page de 'L'été de Katya" nous éblouit et nous donne envie d'en extraire quelques citations éloquentes.

"Mû pour les grands sentiments ? N'est-ce pas là un euphémisme de jeune homme sensible et timide pour dire qu'il brûlait de désir ? Les grands sentiments ne sont-ils pas la fiction qui permet aux coeurs tendres de pactiser avec la luxure ?"

Le récit romantique de ce jeune médecin assistant qui tombe immédiatement amoureux de Katya est admirable et l'on se délecte des entretien qu'il a avec le Dr Gros, son employeur franc, laid, érudit, et aussi drôle que le Basque complice du héros de "Shibumi". D'ailleurs tous les personnages font preuve d'érudition et de sarcasme, ce qui rend tous les dialogues croustillants et savoureux. Les analyses sont fines, les réparties acerbes, et la tension, qu'elle soit amoureuse ou concurrentielle, demeure constante.

"Si je me souviens bien, vous étiez horrifié que le pays de Pasteur puisse être aussi celui des stations thermales et des cures d'eau. Eh bien, pour ma part, je suis horrifié que la culture capable de donner naissance à Sade ait aussi inventé le billet doux et la petite fleur bleue."

Débarrassé des fioritures de l'action et des fausses intrigues policières, qui émaillaient "Shibumi", "L'été de Katya" pourrait surpasser le roman culte précité, d'autant qu'il est plus concis. Malheureusement, on se lasse un peu du dénouement, un poil longuet, après la fête basque.

À lire tout de même d'urgence !

R.P.



21/06/2023
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