Contre-critique

Contre-critique

"Loin" de A. Michalik

41sSVv3FCdL._SX195_.jpg
 

"Loin" d'Alexis Michalik.

 

"Il y a peut-être quelqu'un qui nous correspond mieux, qui ne boit pas, qui a de l'humour, qui sent bon, mais on préfère ne pas prendre le risque d'aller le chercher, car on pourrait revenir bredouille, alors faute de grives, on mange des merles."

L'introduction de ce premier roman interpelle et séduit. L'auteur y questionne les racines de chacun, ainsi que les notions d'appropriation et d'appartenance, en s'engageant sur le chemin de la fraternité et du respect des différences.

Le récit, comme souvent chez Michalik, est trépident et enthousiasmant. On suit avec délectation les péripéties et autres rebondissements que rencontrent les protagonistes, pourtant, alors qu'au théâtre son écriture paraît formidable, en littérature - qui demande plus d'exigence - on en voit les failles. Par exemple, le personnage de Laurent, qui narre l'histoire - celle de son meilleur ami Antoine - fait des apartés au lecteur comme s'il s'agissait d'ajouts faits à postériori par l'auteur pour justifier de son texte, ce qui est assez décevant. Par exemple, Laurent nous dit, par ajouts successifs, "ne vous ennuyez pas, l'aventure va commencer", ou encore, "si je parle de moi à la troisième personne, c'est normal", ce qui rend le texte, dans ces moments-là, incohérent et décousu, car ces ajouts de paragraphes paraissent davantage répondre à un éditeur circonspect qu'à un texte parfaitement travaillé. À ce propos, pourquoi ne pas tout écrire à la première personne ou à la troisième personne du singulier, plutôt que d'alterner ainsi de façon parfaitement maladroite et aléatoire ? Le résultat s'en trouve profondément bâclé, ce qui est fort préjudiciable.

Abstraction faite de ces ajouts dignes d'une surprenante négligence, l'aventure demeure plaisante et bien orchestrée. L'humour y est présent, tout comme la tension dramatique, les prises de becs entre protagonistes sont sincères et l'avancée de l'escapade reste partiellement plausible. On découvre même, comme dans le chapitre 10, centré sur les von Markgraff et se déroulant dans l'Autriche de la seconde guerre mondiale, des passages émouvants et particulièrement tragiques. Cependant, ce chapitre 10 n'est pas une apothéose pour Michalik, puisqu'il manque cruellement de cohérence par rapport à l'ensemble du roman. Il s'inscrit dans un mail envoyé par la soeur d'Antoine, au sein d'une histoire apparemment narré par Laurent, alors que ce chapitre se constitue comme une nouvelle indépendante qu'aucun des protagonistes n'aurait pu écrire.

L'ensemble du roman se rapproche davantage d'un patchwork incohérent, alors que le récit aurait simplement mérité un narrateur omniscient. D'ailleurs, quand Laurent perds ses notes en Turquie, il parle encore de lui à la troisième personne du singulier, sans mettre ses tripes dans cette disparition cruciale pour le journaliste en herbe qu'il est, comme s'il n'était qu'un personnage parmi d'autres - ce qu'il est la majeure partie du temps - alors qu'il est le soi-disant narrateur de ce livre.

On est loin d'un Dumas, comme disent certains, mais si l'aventure moderne avec des jeunes gens vous tente, pourquoi pas.

R.P.



28/04/2022
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres