Contre-critique

"Neige" de Orhan Pamuk.

"Ceci signifiait la fin non seulement de toute son enfance, mais aussi du rêve de revivre un jour à Istanbul. Si un pouvoir fort se réclamant de la charia s'établissait en Turquie, il lui vint à l'esprit que sa soeur non plus ne pourrait même pas sortir dans la rue sans se couvrir la tête."

Après avoir vécu en Allemagne, le poète Ka revient au pays pour effectuer un travail de journaliste, mais aussi pour assister à l'enterrement de sa mère et pour se trouver une épouse. Son choix se porte sur Ipek, une ancienne collègue d'université qui est désormais l'ex-femme de Muhtar Bey, l'homme à la tête du parti de Dieu candidat à la Mairie. Mais l'essentiel du roman se situe ailleurs, dans les rencontres, les discussions qui en découlent, et le rapport de force qui existe entre les religieux et les athées. Les islamistes sont nombreux dans "Neige" et le débat qui porte sur les filles voilées conduit au meurtre. 

"Les religieux ont commencé à nous nettoyer un par un. Si vous voulez rester en vie, vous feriez bien de croire tout de suite un peu plus en Dieu. Parce que je crains que dans peu de temps une religiosité modérée ne suffise pas à sauver la peau d'un ancien athée."

Ka, au fur et à mesure de son séjour à Kars, commence à écrire de la poésie et prétend croire en Dieu. Mais est-ce la peur qui le pousse à dire cela, ou finit-il par vraiment y croire ?

Ce qui est dommage c'est que le roman s'avère beaucoup trop verbeux. On se lasse de toutes ces histoires et de toutes ses rencontres qui jalonnent le récit et qui font perdre le fil conducteur. On aurait aimé que le récit soit plus resserré et aille à l'essentiel concernant les principaux protagonistes. En plus, c'est parfois un peu brouillon dans l'écriture.

Ajoutons aussi que le fait de rendre les islamistes (tel Lazuli) victimes, et de mettre les artistes (tel Sunay) comme seuls responsables d'exactions et de meurtres est plutôt dérangeant.

Pour finir, la double histoire, entre les mésaventures de Ka et celles du narrateur (Orhan lui-même) sur ses traces, n'est pas très convaincante.

Si vous ne connaissez pas l'auteur, lisez plutôt "La femme aux cheveux roux", qui est beaucoup plus abouti et prenant.

R.P.