Contre-critique

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"Recettes intimes des grands chefs" de I.Welsh

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"Recettes intimes des grands chefs" de Irvine Welsh.

 

"Et Kay, la seule femme, était restée assise sans broncher, souriante, tolérée ou ignorée par ces hommes étranges et merveilleux qui buvaient et buvaient et buvaient. C'était comme si certains d'entre eux n'avaient jamais posé leurs yeux injectés de sang sur une femme, alors que les autres en avaient justement trop vu."

Danny Skinner, jeune homme ambitieux de 23 ans, vit avec Kay, une danseuse qui l'aime plus qu'il ne le lui rend. Il faut dire que Skinner apprécie grandement l'alcool et que son métier, inspecteur de l'hygiène sanitaire dans les restaurants d'Edimbourg, lui donne du fil à retordre. À commencer par le chef Alan De Fretais, dont les deux étoiles au Michelin impressionnent son patron Bob Foy et le protègent des sanctions éventuelles. Sans oublier la venue du nouvel employé, le dénommé Brian Kibby, lui aussi inspecteur dans la vingtaine et rival immédiat de Skinner.

Comme à son habitude, Welsh nous livre un roman "trash", avec sa ville d'Edimbourg décadente, ses pubs, et son héros alcoolique qui se noie dans la débauche entre beuveries et sorties violentes avec ses potes. Le contraste avec Brian Kibby y est saisissant, car Kibby est puceau, peu sûr de lui et passionné de modèles réduits et de jeux vidéos.

"Troublé, Kibby va aux toilettes, sûrement pour chialer comme une gonzesse. Je suis tenté de le suivre pour entendre cette petite tafiole couiner comme une nana qu'on vient de gifler, mais non, je me détends un peu et me fais un café. Je ne peux pas expliquer cette rage contre lui, cette envie de causer et de savourer son anéantissement,(...)"

La paternité est également au cœur du roman. La mère de Skinner, ancienne Punkette fan des Clash, lui vient en aide financièrement mais refuse de dire à son fils qui est son père. Ce dernier entame donc une quête de ses origines et cherche à savoir qui est son père. De l'autre côté, son rival Kibby perd son père mourant dès la première partie du roman. C'est également dans cette première partie que la rivalité entre les deux hommes va virer à son apogée et que Skinner va maudire Kibby de toutes ses forces, créant ainsi un événement surnaturel sans précédent : l'alcool (et le reste !) ingurgité par Skinner va ressurgir dans le corps de Kibby, qui se voit attribuer toutes les retombées néfastes tandis que Skinner se réveille frais et pimpant chaque matin.

"Cette ressource limitée qu'était le corps de Kibby - son système nerveux, son foie, ses reins, son pancréas, son cœur -, tout ça doit être bien amoché, depuis le temps. Au début, ma grande préoccupation était : et si Kibby mourait ? Maintenant, c'est plutôt : Kibby va mourir. C'est inévitable."

Dans la deuxième et troisième partie du roman, un changement d'attitude va s'opérer chez les protagonistes, et le lien qui unit Skinner à Kibby va se renforcer tout en laissant les deux hommes à distance l'un de l'autre.

Le récit n'est pas aussi jubilatoire qu'on l'aurait cru, et moins percutant que l'inoubliable "Une ordure", pourtant l'auteur nous offre plusieurs péripéties, dont la virée en Amérique de Skinner, qui permettent au lecteur de ne pas se lasser. Et évidemment, le lecteur découvrira dans les dernières pages du roman la révélation finale et la paternité de Skinner. Nous ne sommes pas déçu bien que l'auteur bascule dans le fantastique et limite l'aspect sordide par rapport à ses œuvres précédentes.

Fans de Welsh, n'hésitez pas !

R.P.



05/12/2017
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