Contre-critique

"Stalker, pique-nique au bord du chemin" de Boris et Arkadi Strougatski.

 "Vous autres, Harmontois, je n'arrive pas à vous comprendre. La vie dans votre ville est dure. Le pouvoir est entre les mains des organisations militaires. L'approvisionnement laisse à désirer. La Zone est à deux pas. Vous vivez comme sur un volcan."

Refusé à la publication, jugé vulgaire et contraire à la bienséance par la direction d'édition, ce roman culte de 1971 a mis sept ou huit années pour voir le jour. Heureusement, aujourd'hui, nous tenons entre les mains le roman dans sa version d'origine non expurgée, celle d'avant les exigences éditoriales douteuses, et nous en sommes ravis.

Le récit démarre dans le feu de l'action, même si c'est en réalité il démarre après l'action, ce qui nous permet une immersion directe et un suspense haletant, puisque nous ne comprenons les enjeux qu'après coup. La narration se révèle franche, crue et radicale, comme la volonté de ses personnages.

"Stalker" n'a rien d'un vieux machin démodé et un peu ridicule, comme bon nombre de livres soi disant cultes, tel "Marionnettes humaines". Non, ici, c'est une véritable ardeur qui consume les pages et les protagonistes en situation de crise. Les stalkers risquent leur vie dans la Zone, pour vendre les objets qu'ils y trouvent au marché noir, tandis que les autorités et les membres de l'Institut international des cultures extraterrestres s'y opposent. Redrick Shouhart, le personnage central, y est touchant et attachant, surtout avec sa famille et son ami Nounane qui agira à son insu. Sa volonté d'acier rappelle vaguement celle des personnages de Damasio. Chaque rebondissement nous atteint et quand il ne se passe rien, on est tout de même scotché au livre. Ce dernier se déroule, hormis le prologue édifiant, en quatre partie qui correspondent à quatre moments clefs, chacun se déroulant sur quelques heures seulement. 

Original, tendu et parfaitement accrocheur, voici un roman culte qui mérite amplement son statut et qui n'a pas pris une ride. Je le mettrais personnellement devant "Le maître du haut château". Les Strougatski possèdent un véritable sens du suspense et de la narration immersive et inquiétante, au sein d'une chronologie au temps présent, basée sur l'instant et le viscéral.

À lire d'urgence !

R.P.