Contre-critique

"Total Khéops" de Jean-Claude Izzo.

"Un solo d'oud. La musique qu'elle avait rêvée pour cette nuit avec moi. L'oud se répandit dans la voiture comme une odeur. L'odeur paisible des oasis. Dattes, figues sèches, amandes. J'osai un regard vers elle. Sa jupe était remontée sur ses cuisses. Elle était belle, belle pour moi. Oui, je la désirais."

L'amour et le rapport aux femmes sont presque aussi importants que cette histoire de banditisme développée par l'auteur. Quant à Marseille, c'est le coeur même du récit, quasiment un personnage central à elle toute seule. Le récit sent le vrai, il est poétique, profond, plein de saveurs, mais aussi dur et rêche que la mort lorsqu'elle frappe de manière inattendue les protagonistes.

Les personnages sont bien travaillés et respirent la sincérité. Fabio Montale est un gars touchant, avec ses failles, sa personnalité atypique et sa sensibilité. Il y a une part de nostalgie et de rapport simple aux choses qui peuvent émouvoir le lecteur. La rue, ses habitants, ses dangers et son aspect cosmopolite sont parfaitement décrits par l'auteur qui défend le respect et les valeurs humaines au-delà des couleurs de peaux. On ressent dans le même temps le passé journalistique de l'auteur qui sait de quoi il parle et qui en parle avec brio.

Concernant les personnages, les mauvais font vraiment peurs et les stéréotypes sont adroitement écartés. Quant à la violence, elle n'est jamais gratuite et racoleuse. Les dilemmes sont également toujours très humains.

Ce roman est une petite claque, une véritable révélation du polar à la française, comme a pu l'être à sa manière, "La position du tireur couché" de Manchette.

Toujours d'actualité et particulièrement efficace, "Total Khéops" n'a pas pris une ride alors qu'il a bientôt trente ans. À découvrir d'urgence !

R.P.