Contre-critique

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"Trois oboles pour Charon" de F. Ferric

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"Trois oboles pour Charon" de Franck Ferric.

 

"À l'instant où il pose le pied sur la première planche qui craque et menace de rompre, un frémissement parcourt la surface des eaux et l'espace d'un clignement d'œil, les nuages eux-mêmes lui donnent l'impression de vibrer d'une étrange façon. Ondoyer comme un caillou jeté dans les cieux."

La première chose qui séduit dans ce roman, c'est l'écriture ciselée de Franck Ferric. Ses phrases s'enchaînent aisément et, grâce à un vocabulaire riche, elles sculptent un univers sombre et dense qui se déploie lentement mais sûrement. L'ambiance décharnée, fantomatique et sinistre de "Trois oboles pour Charon" nous plonge dans l'indicible, à l'image de son héros amnésique, d'abord appelé Ours d'Homme, qui erre et se voit confronté à de multiples dangers. La mémoire lui manque et il est condamné à revivre éternellement ses rencontres avec Charon, le passeur du styx, qui lui demande une obole que le personnage central, ayant une pièce d'or fichée dans un orbite oculaire, ne peut lui donner.

"Très vite, il se retrouve au feu. Il pare un coup de lance qui vise sa cuisse, et remercie le courtaud qui en est l'auteur d'un puissant coup d'épée en travers du crâne, qui fait rentrer les anneaux de son camail loin à l'intérieur de la cervelle. Exaltés par la présence imposante du Plus-qu'Homme, les guerriers du sanctuaire gardent le moral..."

Malheureusement la jolie écriture de l'auteur ne suffit pas à maintenir le lecteur en haleine et le roman devient lassant. L'enjeu du personnage central, ce géant borgne pourtant charismatique, est très vague. D'un chapitre à l'autre, et bien qu'il y ait un fil conducteur évident, on a la sensation de lire un recueil de nouvelles plus qu'un véritable roman. Tout comme le héros, le lecteur ne sait pas où "Trois oboles pour Charon" veut en venir, ni quel est l'enjeu de chacun des voyages que fait ce dernier entre ses retours auprès de Charon. Du coup l'intérêt du roman s'en voit grandement affaibli et la lecture assez monotone malgré l'univers travaillé et les quelques batailles sanglantes.

Après 180 pages on découvre enfin l'histoire du héros, le célèbre sisyphe, au cours d'une révélation faite au bord du Léthé, et l'auteur nous rappelle la colère de Zeus face à l'enlèvement d'Égine. Mais cela ne change rien à l'affaire, Sisyphe continue de se réveiller dans des lieux inconnus où les hommes s'entretuent, inlassablement, pour le plus grand malheur du lecteur assommé par la répétition. Et même lorsque notre héros s'attaque à Anubis, au cours de l'un de ses nombreux périples, en le tirant de son propre sarcophage, le lecteur baille d'ennui, car aller jusqu'au bout du roman devient un véritable supplice.

Quand le calvaire s'achève enfin, arrivé à la dernière page, la situation n'a manifestement pas évolué, comme s'il n'y avait pas de dénouement. C'est le choix de Ferric, mais quel dommage de gâcher sa plume dans un sujet si vain et lassant en définitive. Un roman dont le lecteur aura du mal à tirer quoi que ce soit...

R.P.



20/04/2015
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