Contre-critique

"Un éclat de givre" d'Estelle Faye.

"Je sors de la cave en coup de vent, me précipite vers la surface. Dehors, la touffeur de l'air m'écrase les épaules. J'arrache ma perruque. Je regarde autour de moi, dans les rues envahies par la vigne. À la lueur de la lune, je crois discerner mon rôdeur. Une ombre qui s'enfuit vers le sommet de la butte."

Quel plaisir de lecture et quelle découverte ! Pour qui n'a jamais lu du Estelle Faye, on croirait que "Un éclat de givre" est son chef-d'oeuvre.

Dans un futur proche (l'an 2267), un chanteur de jazz d'une vingtaine d'années, nommé Chet, se voit embauché pour retourner en Enfer (quartier Denfert-Rocheau) afin de mettre la main sur un certain Écho.

Passé les quelques premières pages, déroutantes, avec l'utilisation de la première personne du singulier, on plonge rapidement dans un Paris post-apocalyptique, à tendance enfer vert, où les rencontres et les séquences d'action s'enchaînent à un rythme plus que soutenu. Entre Tess, l'amour perdue du héros, Damien, son amant pianiste, et Galaad, le mystérieux commissionnaire - sans même parler des rencontres malchanceuses et des drones armés - on n'a pas le temps de s'ennuyer une seule seconde. De plus, le récit possède une part d'érotisme, plutôt pudique et discrète, mais imposante et non négligeable, des plus réussies.

"Elle ne veut pas trop le montrer, mais elle s'est offert une vraie frayeur, tout à l'heure, dans le wagon. La balade dans le tunnel ne l'a pas entièrement apaisée. Son souffle haletant soulève sa poitrine pigeonnante. Une goutte de sueur, tel un pendentif de cristal liquide, coule entre ses seins. Là où son décolleté a été déchiré..."

Chet se déguise, tel un travesti, et endosse dans les clubs des rôles de chanteuses illustres, telle Youn Sun Nah. Il a un passé trouble et semble attiré par le danger. Son retour en Enfer est assez trépident et l'univers "Freak show" développé par la romancière nous rappelle une nouvelle de Rich Larson.

Bien sûr le roman a aussi quelques défauts, il est moins intéressant dans sa deuxième moitié et ne narre pas quelques chose de mémorable, mais qu'importe. "Éclat de givre" séduit par son écriture enlevée et évocatrice, qui vaut à elle seule la lecture.

À découvrir !

R.P.