Contre-critique

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"Cascade" de C. Davidson

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"Cascade" de Craig Davidson.

 

"Mes inquiétudes. Compter mes inquiétudes, de un à dix. Avoir un petit garçon était une inquiétude. Dan était le seul mâle que je comprenne, et encore, seulement en partie. Mon propre père n'était guère plus qu'une père d'yeux scrutateurs qui se tenaient toujours à distance raisonnable."

La nouvelle d'ouverture est une histoire de survie. Claire vient d'avoir un accident de voiture et elle tente de sauver son bébé malgré le froid et l'isolement. C'est rude et cruel ; tout à fait dans l'esprit de Craig Davidson. Si vous ne connaissez pas cet auteur, vous allez tout de suite comprendre de quoi il retourne avec lui. "Les lumières fantômes" va d'emblée vous donner la température. La compassion est ténue dans le monde de Davidson. Ses histoires sont fortes, émotionnelles, et non exemptes de cruauté.

La deuxième nouvelle intitulée "La brûlure", par contre, est peu mémorable, et vous pouvez largement vous en passer.

Par contre, "Un truc pur" est un bonheur de nouvelle en milieu sportif. L'écriture de Davidson nous rappelle celle de F.X.Toole. C'est enivrant et vibrant d'émotion, et l'on se croit sur le terrain, même si l'histoire n'atteint pas la puissance émotionnelle apparaissant dans les récits de boxe de l'auteur disparu.

"Le jumeau perdu", quant à lui, est d'un tragique absolu. Cette histoire d'adolescents en milieu pénitencier est vraiment douloureuse, même si la fin demeure en suspension. C'est l'une des meilleures du recueil.

"Il s'est éloigné et m'a laissé avec Laird. J'ai eu du mal à le sortir de là. Je crois qu'il s'était pété une côte. Mais tout de même, une fois qu'il a réussi à s'extraire en rampant, Laird m'a pris dans ses bras. L'odeur de pisse de ses cheveux, et son gros corps mou qui sanglotait contre le mien."

Ensuite vient "Les gorilles du vendredi soir", qui traite des services de Protection de l'enfance. Encore une fois, l'univers est d'une noirceur difficile à concevoir et la violence psychologique du récit est forte. La qualité de la narration s'avère proportionnelle à son aigreur et la nouvelle fait également partie des meilleures du recueil.

Sorte de suite déguisée de la précédente nouvelle, "À moitié solide" nous plonge dans le quotidien du docteur Jasper Railsback. On y retrouve Penny Tolliver, des nouveaux-nés mal-en-point et une étrange dichotomie chez le héros, qui offre un grand écart entre son travail de chirurgien et sa passion pour le bras de fer. Encore une fois, c'est du très bon Davidson.

"Il arrive aussi que le feu vienne vous cherchez en silence, tel un fantôme : un léger murmure de fumée rebiquant sous une porte, pour vous inviter à l'ouvrir. C'est là qu'il est le plus dangereux - quand il dissimule son vrai visage."

L'écriture de Davidson est un pur régal d'efficacité, de crudité et de tournures imagées éblouissantes. Quant à la dernière nouvelle du recueil, intitulée "Pyromanes", elle nous transporte dans un milieu spécifiques, sans pour autant se départir de ses thèmes de prédilections, à savoir les êtres blessés, meurtris, qui souffrent, mais qui avancent et cherchent à se relever.

Si la rudesse ne vous effraie pas, vous allez adorer "Cascade", ça donne immédiatement envie de lire l'un de ses précédents romans de l'auteur.

R.P.



14/06/2024
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