Contre-critique

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"Le bruit de la chute" de J. Simpson

 

"Le bruit de la chute" de Joe Simpson.

 

"Pourtant il avait vaguement conscience de sa respiration saccadée, de ses muscles qui tremblaient et il savait qu'il ne tarderait pas à tomber. Ses avant-bras, son estomac et ses mollets étaient hypertendus, noyés d'acide lactique. La gravité le poussait en arrière, son insondable force centrifuge le tirant par le dos."

Joe Simpson, auteur de récit à sensation dont l'action se situe en haute montagne, revient avec "The sound of gravity" traduit sous le titre "Le bruit de la chute" et nous livre une nouvelle aventure dédiée au courage et au dépassement de soi.

Un homme perd sa compagne durant une ascension qui tourne au drame. Le héros ne peut pratiquement rien faire si ce n'est lui demander sa deuxième main pour pouvoir la retenir tandis qu'elle tombe d'une vire sur laquelle ils passaient la nuit. Dès lors le regret ne le quittera plus.

"Tout en regardant la neige tournoyer doucement, il sortit un bras. Il secoua la tête, déconcerté par ce qu'il voyait, se demandant s'il divaguait. Le temps était suspendu. Ce paysage tranquille de nuages flottants l'enveloppait comme dans un suaire. Il se sentait désincarné, hanté."

Après la chute mortelle de sa compagne, en pleine nuit, l'homme ne pourra que lutter pour sa survie alors qu'une terrible tempête lui fait vivre un éprouvant cauchemar éveillé. Poussé jusque dans ses limites et s'accrochant à la paroi de toutes ses forces, il devra continuer seul et affronter un parcours incroyable pour s'en sortir et retrouver le corps de celle qu'il aime.

Toute la première partie du roman suit le périple de cet homme, un calvaire de plus de cent pages que le lecteur devra lui aussi endurer pour accéder à l'humanité du "Bruit de la chute". Car les rapports humains et la psychologie des personnages ne seront traités que dans la deuxième partie du récit, qui fait néanmoins les trois quarts du roman.

"La ligne de crête fut illuminée d'un coup par les cristaux de neige éclairés par le soleil couchant. Il voyait une couronne éclatante feuilletée d'argent. Pendant un instant, il fut grisé, aveuglé par cette beauté, et sa peur s'évanouit."

Dans la deuxième partie, qui contraste énormément avec le parcours solitaire d'un homme, comme c'était le cas jusqu'à présent, plusieurs personnages feront leur apparition. Et cela redonne un souffle au récit. Car désormais il y aura des enjeux, en plus des dialogues et de l'humanité des personnages.

On découvre tout d'abord le destin tragique de Karl, qui part en montagne malgré son anévrisme cérébral, puis celui de groupes de médecins et guides dont le couple formé par Cassie et Callum. Et tandis qu'une nouvelle tempête se prépare, on comprend que notre héros, nommé Patrick, est devenu le gardien du même refuge qui l'avait abrité lui et sa femme disparue des années plus tôt. Et Patrick décide de garder Cassie avec lui tandis que les autres redescendent vers le village, car cette dernière est faible et proche de l'hypothermie.

"Il avait découvert une liberté qu'il n'avait jamais connue, savourant la plénitude de l'instant, grimpant d'une manière détachée, comme en transe, en une série de mouvements simples, la pression délicate d'une réglette sous les doigts, les changements imperceptibles d'équilibre, les choses minuscules, essentielles, qui le conservaient en vie."

Beaucoup plus vivante que le départ du roman, la deuxième partie est sensuelle et intriguante. Une relation amoureuse se trame, sans être fleur bleue, et la vie de notre héros va être révélée. Le personnage deviendra donc beaucoup plus clair et compréhensible pour le lecteur qui va pouvoir désormais s'identifier à loisir à sa situation.

La profondeur du personnage principal se révélant au fil des pages, c'est avec un réel plaisir qu'on va dévorer la deuxième moitié du roman. On découvre la position de cet homme solitaire, la carapace qu'il a dû revêtir pour survivre, et la fragilité qui l'habite. Le texte deviendra même poignant sur la fin lorsque le héros boucle la boucle. Et lorsqu'on comprend ses années de souffrances passées, l'enfermant dans le mutisme et la méfiance.

"D'un air qui en disait long, il regarda la fenêtre dont la vitre était martelée par une rafale de cristaux de glace. Le bois du plafond craquait et il y eut un claquement sec derrière la porte comme si une tige en acier avait lacéré le mur. Elle tressaillit et leva une main pour se protéger, de crainte que la fenêtre n'explose."

"Le bruit de la chute" nous fait apprécier la nature et l'alpinisme, tout en nous prévenant de ses dangers. Il dévoile également l'humilité que tout homme devrait avoir à l'égard de la nature. On perçoit donc la montagne sous un jour nouveau, ou bien on la retrouve avec les sensations qui nous sont chères.

Adepte de montagne ou pas, le lecteur va vivre une épopée, difficile à apprécier en première partie mais qui se révèlera plus que savoureuse pour ceux qui s'accrocheront jusqu'au bout. Une aventure incroyable, qui mérite des efforts. À lire.

R.P.



22/01/2013
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