Contre-critique

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"Les Pleurs du vent" de S. Medoruma

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"Les Pleurs du vent" de Shun Medoruma.

 

"Comme s'il s'était agi d'un signal, ils s'observèrent les uns les autres puis se tournèrent vers la source des pleurs du vent. On disait que le bruit se produisait à chaque fois que la brise marine passait à travers les orbites, le crâne faisant caisse de résonance. Mais personne n'était allé vérifier."

Après l'inégal mais très envoûtant recueil "L’âme de Kôtarô contemplait la mer" l'auteur revient avec ce court roman, dans la droite lignée de ses précédents écrits : Poétique, insulaire et proche de la nature comme du fantastique.

Ici Medoruma met d'abord en scène une bande de garçons, dont le jeune et intrépide Akira, qui se lance des défis en approchant d'un ossuaire de plein air effrayant. Puis on bascule aux côtés de Seikichi Tôyama (on apprendra en fin de roman qu'il s'agit du père d'Akira), lui aussi habitant du village où se trouve le fameux crâne qui pleure. Doit-on accepter d'exposer aux médias le squelette ou le garder secret et préserver la mort de ceux tombés pendant la bataille d'Okinawa ? Tel est l'enjeu pour Seikichi.

L'immersion s'avère totale chez Medoruma. Entre la faune (crabes, lucioles) et la flore (palétuviers, mangrove), l'auteur nous immerge dans son décor merveilleux et nous transmet jusqu'à la température des éléments, leur consistance, et nous berce de paysages sublimes et effrayants. Le passage où Seikichi se remémore la première fois qu'il a vu l'ossuaire avec son père devient terriblement palpitant. Le mélange de nature sauvage, d'âme du défunt et de violence due à la guerre crée un maelström magique et ensorcelant.

"Le sentier était recouvert de petits éclats de pierre à chaux, blancs comme des os qui ne se seraient pas entièrement désagrégés. Dans sa course effrénée, Seikichi avait perdu ses sandales en caoutchouc. Les pieds en sang, la poussière de chaux s'infiltrant dans les plaies, il souffrait terriblement mais ne pouvait s'arrêter de courir."

L'auteur bascule d'un personnage à l'autre, tout en prenant le temps de tous les développer. Ainsi on découvre les motivations de Seikichi qui subit bombardement et famine, puis, après Tokuichi le pseudo-rival, on passe à Fujii, l'auteur de documentaires qui, lui aussi, connut les affres de la guerre. Chacun des protagonistes permet au récit de gagner en relief et en profondeur. Les mystères du comportement humain sont dévoilés, tout en laissant une belle part d'ombre à l'ensemble.

Le charme de l'écriture de Medoruma opère immédiatement et, une fois entamé, on a du mal à quitter ce court et très prenant récit. Un auteur à suivre !

R.P.



06/12/2016
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