Contre-critique

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"Portnoy et son complexe" de P. Roth

 

 

"Portnoy et son complexe" de Philip Roth.

 

"L'ubiquité de l'une et la constipation de l'autre, ma mère entrant en volant par la fenêtre de la chambre, mon père lisant le journal du soir un suppositoire fiché dans le cul, telles sont, docteur, les premières impressions que je conserve de mes parents, de leur attributs et de leurs secrets." 

Dans ce best-seller de Roth, le personnage principal, alexander Portnoy, se livre a une longue confession ininterrompu face au silencieux docteur Spielvogel. Alex va aborder sa vie, son enfance, ses rencontres, sa sexualité, son milieu familial et religieux, avec une véhémence très crue. Les révélations d'ordre sexuel d'Alex Portnoy risques de choquer les moins avertis, tout comme son point de vue sur la religion juive, dont il tente vainement de se libérer. Car Alex se définit comme un athée.

"...je manipulais mon pénis nu et gonflé dans la crainte perpétuelle de voir mon ignominie découverte par quelqu'un qui me surprendrait à l'instant même où je déchargeais. Néanmoins, j'étais totalement incapable de ne pas me tripoter la bite une fois qu'elle s'était mise à me grimper le long du ventre." 

L'humour est omniprésent dans le roman, bien qu'il soit exceptionnellement féroce, et l'on découvrira ainsi qu'Alex se surnomme le "Raskolnikov de la branlade", que son père Jack est continuellement constipé et que sa mère Sophie est obsédée par l'hygiène et la nourriture kasher. Issu de cette famille juive très stricte dont il essaie de se libérer, Alex grandit dans un univers où le racisme est latent, aussi bien à l'égard des "goy" que des gens de couleurs qui peuplent certains quartiers et dont le père s'évertue à leur vendre des assurances vie. Même la bonne Dorothy est dénigrée selon Alex qui lutte contre les idées qu'on lui inculque.

"...pourquoi ne pas nous épargner à partir de maintenant la diction des rabbins ? Pourquoi ne pas nous épargner les rabbins eux-mêmes ! Écoutez, pourquoi ne pas nous épargner la religion, ne serait-ce qu'au nom de notre dignité humaine ! Seigneur Dieu, maman, le monde entier le sait déjà, (...) La religion est l'opium du peuple..." 

Alex aura du mal à trouver sa place entre l'éducation qu'il a reçu, très ferme, surtout du côté de sa mère - ajouté à un puissant complexe de castration - et son épanouissement personnel et sexuel qu'il pourrait trouver auprès d'une "shikse". Alex, trop tiraillé, est incapable d'aimer. Il se retrouvera dans une situation similaire à celle de son cousin Harold Heshie Portnoy qui vivra un amour impossible avec Alice Dembovsky qui n'est pas de la même confession religieuse. Alex tente également d'échapper au destin funeste de Ronald Nimkin. Il va alors multiplier les conquêtes féminines et chercher dans des expériences débridées, comme avec sa complice de sexe Mary Jane dit "le singe", un bien-être éphémère.

"Parce que vous autres, les mères juives, vous êtes tellement chiantes qu'on ne peut pas vous supporter ! J'ai lu le bouquin de Freud sur Léonard, Docteur, (...) Que voulons-nous moi, Ronald et Léonard ? Qu'on nous foute la paix ! Ne serait-ce qu'une demi-heure d'affilée !" 

L'écriture de Roth est un vrai bonheur, elle se lit sans effort et avec un réel plaisir. La balance entre l'humour, la dénonciation et les phrases choques est parfaite. La personnalité de chacun des protagonistes est particulièrement bien étudiée et tous semblent plus vrai que nature. Les tournures de phrases sont également un pur délice, tout comme l'agencement des idées et les descriptions - celle de Kay dit "Citrouille" est à relever.

Il faut découvrir ce roman, Alex Portnoy est un personnage emblématique, un complexe à lui tout seul, et un tour de force pour son auteur.

R.P.



05/04/2013
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