Contre-critique

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"Truismes" de M. Darrieussecq

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"Truismes" de Marie Darrieussecq.

 

"La cliente a été assassinée. Un jour elle n'est plus venue et on a retrouvé son corps dans le square, sous un arbre. Il paraît que ce n'était pas beau à voir. A partir de là j'ai souvent croisé une de ses amies, tout en noir, qui venait pleurer sous les arbres dans le square. C'est beau d'avoir de telles amies."

Dans un style froid et détaché, Darrieussecq narre les mésaventures de son personnage central, une femme atypique qui vit les situations les plus incongrues d'une manière très banale. D'emblée le récit à la première personne du singulier est prenant ; le lecteur se voit désarçonné par l'inventivité de l'auteur, par l'effronterie de l'histoire et par son point de vue décalé. "Truismes" dévoile les péripéties tantôt sordides tantôt loufoques d'une femme qui travaille, au départ, pour une chaîne de parfumerie aux exigences peu communes. L'héroïne y raconte, avec un certain détachement, ce qu'elle endure auprès des hommes durant son travail.

Surprenant, osé et original, on ne tarit pas d'éloge sur ce premier coup de maître signé Darrieussecq, qui révélait tout son talent d'écrivain.

"Le directeur de la chaîne devait être vraiment fier de moi pour faire preuve de tant de bonté à mon égard. ensuite il a eu assez de patience pour prendre sur son temps et parfaire ma formation. Il a séché mes larmes. Il m'a assise sur lui et a poussé quelque chose dans mon derrière."

L'étrangeté ressort fortement du récit. La boîte de parfumerie d'abord, surprenante, et qui semble cautionner la prostitution. Puis la relation entretenue avec Honoré, l'homme rencontré à l'Aqualand. Et enfin cette femme, l'héroïne, qui ne semble connaître aucune limite. Tout paraît tellement éloigné de la réalité et paradoxalement si proche. On craint parfois de basculer dans le fantastique, avec l'histoire du téton notamment, ou dans le récit de l'aliéné mental tant le comportement de l'héroïne déstabilise. La lecture se révèle troublante et fascinante. Puis, passées les premières dizaines de pages, on comprend que notre héroïne, depuis le départ, subit une transformation.

L'étrangeté kafkaïenne se fait tenace et l'on sent que le registre de "Truismes" s'apparente à "la métamorphose".

"La lune était dans les yeux d'Yvan, comme un éclat blanc et froid sous ses paupières. On sentait qu'il souffrait, Yvan, on entendait son souffle. Ses mains étaient recroquevillées par terre, comme rognées, enfouies, agrippées dans le sol, pleines de nœuds et de griffes."

La deuxième partie du roman vire carrément au fantastique, mais on peut y voir une métaphore du comportement humain à travers l'enveloppe de l'animal. Et l'on se régale de voir les personnages, notamment l'héroïne et Yvan, lutter entre personnage civilisé et bas instinct animal. À découvrir !

R.P.



05/12/2015
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