Contre-critique

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"Charly 9" de J. Teulé

 

"Charly 9" de Jean Teulé.

 

"- Arrêtez ! le coupe Charles. loin de moi cet avenir horrible. votre Dieu m'échauffe, me presse, il accable mes sens. j'en ai assez de ce XVI siècle aux guerres de religion continuelles..."

Alors que rien, dans la prédisposition au massacre, ne laissait envisager que Charles IX n'autorise les crimes perpétrés le 24 Août 1572 ; l'hécatombe de la Saint-Barthélémy eut pourtant lieu. Car Charles est poussé par sa mère, son frère et tout le conseil royal qui tentent de le manipuler. Malgré les refus préliminaires du roi, sa mère, Catherine de Médicis, saura achever de le convaincre. Mais l'innocence de Charles pâtira considérablement de l'accord qui lui est soutiré et, de la responsabilité qui en découle.

"Verre d'eau à la main droite où flottent des fleurs d'oranger, le roi assis sur son trône semble dans un état dépressif grave, proche de la prostration, et troublé par d'incessantes hallucinations."

Le massacre de son propre peuple, commandité à l'encontre de sa volonté, va bouleverser le jeune roi âgé de 22 ans à peine, et va le mener lentement vers la folie.

Selon les dires de l'auteur et de ses minutieuses recherches, le monarque était un naïf manipulé qui n'accepte pas sa condition. De plus, il était jaloux de son frère cadet, appelé "Mes Chers Yeux" par leur mère, et il appelait l'amiral Coligny : "mon père" alors que ce dernier était considéré comme l'ennemi numéro un de sa "mamma".

"Mais le hideux cauchemar se poursuit. Une horreur glace les sens du roi car il entend toujours les cris et les pleurs des âmes de ses victimes !"

Après plus de dix romans, Jean Teulé continue son exploration des personnages marquants de l'histoire française, à l'instar de ce qu'il avait entrepris avec Verlaine ou Villon. Le style décalé de l'auteur, alliant second degré et humour corrosif, est toujours à l'œuvre dans "Charly 9". Dès le titre, le ton est donné ; Teulé s'amuse de ses personnages et de leurs situations les plus rocambolesques. Vous y découvrirez une histoire tragique, mais racontée avec liesse.

"Cette nouvelle déception n'est pas faite pour arranger l'état du monarque. Ronsard, les paumes jointes, implore Apollon de guérir son gentil roi même si en matière de poésie... il regrette le choix des décasyllabes."

Dans "Charly 9" le penchant comique est évident ; le roi Charles IX finira par s'adonner à la chasse à courre à l'intérieur même du Louvre et, par mimétisme, utilisera de la technique de l'autruche pour se cacher, tandis que son frère Henri aura recours à une poupée vaudou pour le torturer. Le penchant historique du récit n'est cependant pas écarté ; on découvrira l'arrivée du premier poisson d'avril, celle du muguet meurtrier du 1er mai ou encore celle de la fausse monnaie du monarque qu'il met lui-même sur le marché.

"Encore en bonnet et chemise de nuit alors qu'on voit par une fenêtre qu'il fait grand jour et ruisseler le long des vitres une abondante pluie de printemps, le roi cavale pieds nus sur le marbre des salles du Louvre. Il y fout un boucan de tous les diables. Dans la petite galerie qui longe la Seine, il pourchasse des lapins, glaive au poing."

"Charly 9" se lit très facilement, comme souvent chez Teulé, on regrettera seulement un style d'écriture trop libre qui franchit parfois quelques limites lors d'expressions telles que "se barrer en sucette".

Comme dans "Mangez-le si vous voulez", l'horreur côtoie constamment la farce, et le plaisir de lecture est au rendez-vous.

R.P.



15/10/2012
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