Contre-critique

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"Hommes" de E. Richard

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"Hommes" d'Emmanuelle Ricard.

 

"La veille, lors de mon irruption dans la cuisine, je l'avais jaugé en tant que partenaire sexuel potentiel. On croit à tort que seuls les hommes font ça. Dans la pièce enfumée des vapeurs du repas, nimbée de jaune et chaude, je l'avais envisagé sous cet angle..."

Depuis "Pour la peau", Emmanuelle Richard continue d'explorer son rapport aux hommes à travers des relations peu agréables et plutôt surprenantes, voire dérangeantes. Ici, elle s'appelle Lena Moss et elle va faire la rencontre d'Aiden, un homme imposant. Cela se passe durant le mois de décembre 2018, alors qu'elle a une place de woofing dans un château situé face à l'Irlande. Au départ, elle rejette Aiden, mais au fil des jours, ils vont devenir de plus en plus proches, et naîtra alors entre eux une relation.

Même si l'on n'est pas toujours d'accord avec les prises de positions tranchées de la romancière - sans compter le fait que si l'on cataloguait les femmes comme elle le fait des hommes, on se ferait fustiger - il est très plaisant de lire quelque chose d'écrit avec ses tripes et de découvrir le point de vue radical d'un/e auteur/trice. On a également hâte de voir l'évolution de son écriture, toujours incisive, bien qu'on l'aimerait plus mature.

Notons qu'il y tout de même quelques incohérences, comme lorsque l'héroïne ferme à clef la porte de sa chambre (fin de paragraphe, page 31) avant de dire que sa porte ne ferme pas à clef (page 71) et de demander à Hélène par mail de changer de chambre. Autre reproche, le roman tourne un peu en rond, et il n'y pas d'évolution concernant la découverte médiatique du harceleur. Quant à la seconde partie du roman, paradoxalement lumineuse, elle est bourrée de redites.

De plus, la romancière emploie l'infinitif "circlure" (page 192) mais dans les références de fin d'ouvrage, elle parle du verbe "ciclure", ce qui est une faute de frappe grossière.

"C'est juste un homme me suis-je dit. Juste un homme de plus à exposer son désir sans préambule ni temps mort, ni le moindre souci du contexte - comme ils font presque tous toujours, enfantins, décomplexés, centrés sur leurs pulsions sexuelles, méduses banales à satisfaire..."

Le changement d'époque entre 2018 et 2038 est malheureusement inutile, de plus, il opère un changement de style dans l'écriture, alors que la narratrice demeure le même personnage, ce qui est déroutant. Mais qu'à cela ne tienne, on reste captivé par le récit et les affres de son héroïne. Par chance, dans la partie intitulée "Bulle" on découvre enfin un homme qui n'est pas une vermine et ça fait du bien. Malheureusement, avec "Tendresse", cela fait redite, d'autant que cette partie est abusivement longue.

Vous l'aurez compris, le récit n'est pas dénué de défauts et bascule trop abruptement entre drame et jouissance. Cependant, la prise de position demeure plaisante et l'on aime voir la romancière se défouler. Les lecteurs en quête de féminisme seront comblés.

R.P.



29/08/2024
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