Contre-critique

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"L'arrache cœur" de B. Vian

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"L'arrache-cœur" de Boris Vian.

 

"On me donne de l'or. Beaucoup d'or. Mais je n'ai pas le droit de le dépenser. Personne ne veut rien me vendre. J'ai une maison et beaucoup d'or, mais je dois digérer la honte de tout le village. Ils me paient pour que j'ai des remords à leur place. De tout ce qu'ils font de mal ou d'impie. De tous leurs vices."

Dès les premières pages, on reconnaît la fantaisie si particulière de l'écriture de Vian. Le psychiatre Jacquemort entre par hasard dans une demeure au bord d'une falaise et découvre Clémentine, sur le point d'accoucher de trois enfants, tandis que son mari Angel est volontairement enfermé par elle dans le placard. L'originalité de l'écriture est au service d'une histoire délirante où Vian semble laisser aller son imaginaire sans aucune limite.

Que tous les fans de "L'écume des jours" se réjouissent, ce roman est lui aussi partagé entre fantaisie poétique et morbidité tragique.

"Tandis que le psychiatre la besognait, il voyait la nuque courte de la fille se redresser puis se relâcher. Comme elle était mal coiffée, quelques mèches blondes s'agitaient au vent. Elle sentait fort, mais Jacquemort n'avait pas opéré depuis son arrivée à la maison et cette odeur un peu bestiale ne lui déplut point."

On le répète, l'imagination débordante de Vian se déploie à chaque page et, cédant souvent la place à un style proche de l'absurde, ses personnages font des rencontres, agissent ou dialoguent avec un tiers de manière imprévisible. Jouant avec les mots et leur sens premier, Vian crée des situations hilarantes où le psychiatre Jacquemort culbute ses patientes, ou les vieux se vendent comme du bétail et ou un chat peut donner verbalement son avis.

Sorte de feu d'artifice, son écriture devient totalement libre et au service de son imaginaire. Il y a un côté très ludique chez Vian, et cet aspect se perpétue une fois encore dans son dernier roman, "L'arrache-cœur".

Pourtant, bien que l'on puisse y voir la critique du fonctionnement des hommes en sociétés (qui rejettent leur honte sur un tiers et exploitent leurs apprentis), de la religion (qui attise la haine pour mieux dompter ses ouailles) ou des parents (avec cette mère si angoissée et aimante qu'elle se galvanise du pire pour ses enfants), le roman se perd un peu en imagination vagabonde et peine à maintenir totalement en haleine. On se demande trop souvent où tout cela veut en venir. Heureusement le plaisir déluré du style Vian permet d'aller jusqu'au bout sans difficulté.

Que les amateurs de Vian s'y précipitent, tout comme ceux qui ne connaissent pas encore cet auteur, quant aux autres, ceux qui ne sont pas fans, ce roman ne les fera pas changer d'avis.

R.P.



28/04/2015
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