Contre-critique

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"La Leçon du mal" de Y. Kishi.

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"La leçon du mal" de Yûsuke Kishi.

 

"Si Kumagai, doté de pouvoirs, avait pu lire dans ses pensées et accéder à tout son historique, il aurait eu de bonnes raisons d'être frappé de terreur. Mais il n'en savait rien. C'était impossible. Personne n'en savait rien."

Le professeur nommé Seiji Hasumi est en charge d'une classe de première à problème. Il est adulé par la majorité des élèves et fait du zèle, mais cache bien son jeu. Entre chantage, tricherie aux examens, manipulation, utilisation de flunitrazépam et rapport sexuel entre prof et élève, tout y passe. Si l'on ne lit pas la quatrième de couverture qui dévoile toute l'intrigue, on sent assez rapidement que les élèves ne sont pas le seul problème, et l'on réalise que le prof Hasumi est pire qu'eux. Seule Reika se méfie de lui.

Le rythme n'est pas effréné, loin de là, et l'auteur nous plonge d'abord dans l'ambiance et dans le quotidien du lycée, avant de basculer dans l'horreur. Kishi est doué pour nous amener lentement vers un basculement de la réalité ordinaire, ce qui est jouissif. Le lent glissement vers la folie nous tient en haleine.

Entre le prof d'arts plastiques Kume et l'élève Maejima, entre notre héros Hasumi et Miya, ou encore entre l'infirmière Junko Taura et Keisuke, le roman est assez racoleur et plaisant car il donne du piquant aux relations entre les personnages. Amour, séduction et confrontation sont au programme, tandis que la cohérence et la minutie demeurent.

"Sa respiration se fit haletante. Ses cheveux indisciplinés la rendaient tellement sexy.. Les femmes plus âgées ne jouaient clairement pas dans la même catégorie que les filles de l'âge de Keisuke."

Le fait qu'Hasumi soit fan de la complainte de Mackie dans "l'Opéra de quat' sous" est une excellente idée. D'ailleurs, on apprendra au fil du récit d'où vient ce plaisir de siffloter cet air et ce qu'il représente. L'auteur n'hésite pas à fouiller le passé des personnages et à peaufiner leur psychologie. À ce propos, plusieurs protagonistes sont liés et découvrir les événements de leur passé est très plaisant. On comprend pourquoi tout est lié et inextricable.

"Nadamori, debout dans le trou, s'était penché pour attraper le corps de Keiko, enroulé dans une couverture. Perdant l'équilibre, il avait lâché prise, le faisant retomber lourdement sur le sol. Tsurii ne s'en était pas ému : lorsqu'ils meurent, les humains ne sont plus qu'un tas de viande à jeter en pâture aux vers."

Petit bémol, on a du mal à croire que la psychologue du lycée, Satoko Mizuochi, soit aussi aveugle par rapport à ce qui se passe dans l'établissement. Quant à la prétendue traque entre Hasumi et trois élèves, elle ne survient pas vraiment après 300 pages de lecture. Seule la fin se révèle un massacre général. De plus, on a du mal à croire à certains revirement, comme le séjour d'Hasumi aux E-U, ou encore sa relation avec Junko Taura qui sort de nulle part à la 350 ème page.

Tout comme dans l'excellent "La maison noire", on passe de l'ordinaire au sordide le plus extrême en prenant le temps nécessaire pour nous faire croire à la situation décrite et la rendre plausible. Mais ce qui est le plus intéressant, pour le lecteur assidu, c'est que cette fois-ci, nous nous retrouvons du côté du sociopathe, contrairement à "La maison noire" où nous étions du côté de la victime. Pour autant, on ne frémit pas comme dans son roman plus récent qui livrait quelques moments d'effroi bien plus efficaces. Ici, tout est plus divertissant et plus trépident, mais moins percutant.

À réserver aux fans.

R.P.



13/04/2025
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