Contre-critique

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"La succession" de J-P Dubois

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"La succession" de Jean-Paul Dubois.

 

"Depuis hier, je suis le dernier des Katrakilis, ce qui, excepté pour moi, n'a pas grande signification. En quelques années, les uns après les autres, tous les membres de cette famille se sont supprimés. Et, tout à l'heure, en appelant le numéro donné par le consulat, j'ai appris que mon père s'était, à son tour, conformé à la règle."

Après le brillant "Une vie française", qui m'avait permis de découvrir l'auteur, "La succession" permet de replonger dans la vie d'un Paul, toujours désabusé, cynique et plein d'entrain, nommé Paul Katrakilis. Ce joueur de pelote Basque vit en Floride, possède un bateau malgré son mal de mer, et sauve un chien de la noyade - qu'il nommera Watson -, avant d'apprendre que son père est mort.

C'est le point de départ de ce roman palpitant qui enivre dès le premier chapitre.

"Elle m'a répondu que j'étais odieux, et ajouté que de toute façon je ne pouvais pas comprendre, parce que tout avait toujours été facile pour moi. Et là, figure-toi, que je me suis entendu lui répondre un truc complètement dingue qui m'est venu comme ça à l'esprit : "Ma fille, détrompe-toi, baiser ta mère fut souvent un sport de combat.""

Les dialogues, comme celui précité, sont parfois très crus et très jouissifs. On aime lorsque Dubois a la langue bien pendue ; c'est croustillant et jubilatoire. D'autant que la lignée de suicidés du héros est désopilante dans le macabre, à l'image du scotch enroulé autour de la tête d'Adrien avant son saut dans le vide.

"... je sentais ma main dans celle de ma mère, elle me disait des choses que tous les enfants devraient entendre, des mots qui enlèvent la peur, bouchent les trous de solitude, éloignent la crainte des dieux et vous laissent au monde avec le désir, la force et l'envie d'y vivre."

Ce Paul finira par nous toucher. Il souffre de l'absence d'une mère digne de ce nom, d'un père énergumène en slip, et vit éloigné de sa famille, incompris d'elle et de ses pulsions morbides.

Cependant, le récit est bien moins prenant que dans "Une vie française". On y décèle moins d'humour, moins de cynisme et de folie, ce qui est curieux pour un roman qui a reçu le prix Goncourt.

Autre surprise peu louable, la quatrième de couverture nous dévoile une bonne partie de l'histoire. À titre informatif, Paul tombe sur les deux carnets noirs de son père à la page 176, c'est-à-dire aux deux tiers du roman.

"Vous ne gagnerez pas, je connais ces sortes de gens. Ils sont en train de recalculer le monde, d'établir de nouvelles règles. Ce sont des molochs sourds et aveugles qui dévorent leurs propres enfants."

Le récit du joueur de pelote basque et celui du médecin héritant du cabinet paternel semblent deux histoires distinctes qui paraissent peu compatibles avec un seul homme. Quant au sujet de l'euthanasie, il arrive et repart bien trop subitement. Les contrastes se révèlent trop forts pour qu'on puisse apprécier pleinement le roman et, on le répète, on s'attendait à mieux de la part de Dubois, surtout pour son livre récompensé. L'auteur demeure malgré tout dans son registre et livre une histoire réussie, qui se lit facilement.

À réserver aux fans.

R.P.



26/04/2024
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