Contre-critique

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"La tour de Babylone" de T. Chiang

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"La tour de Babylone" de Ted Chiang.

 

"Bientôt, ils se trouvèrent au niveau de la lune dans sa trajectoire. Ils avaient l'altitude du premier corps céleste. Plissant les paupières afin de contempler son visage grêlé, ils s'émerveillèrent de son mouvement majestueux qui méprisait le moindre support."

La nouvelle éponyme suit le périple d'Hillalum, un mineur qui va gravir la tour de Babylone afin de percer la voûte du ciel. Il ne sera pas tout seul lors de l'ascension et découvrira avec nous, lecteurs, le mystère des cieux. La construction de ce récit fantastique est libéré par un imaginaire lié aux croyances d'antan et s'avère particulièrement efficace. C'est original et fabuleux de simplicité. Quant à la narration, elle rappelle un peu celle de H.G. Wells. À noter que c'est la plus divertissante nouvelle du recueil.

Avec "Comprends" Ted Chiang nous plonge dans la tête d'un héros qui, après un traumatisme, se voit subir des injections de l'hormone K. L'hormone administré au protagoniste, Léon Greco, régénère ses neurones et développe aussi ses capacités mentales de manière insoupçonnée. Cela nous rappelle le scénario du film "Limitless", ou encore le roman "Des fleurs pour Algernon", roman antérieur à cette nouvelle, mais Ted Chiang nous livre sa patte créatrice personnelle et nous embarque sans effort dans son récit à la première personne.

"- Tu plaisantes ou quoi ? Il y a d'un côté ma façon de démontrer que un égale deux et de l'autre ce que me hurle mon bon sens. Je ne trouve plus la moindre différence entre deux choses, tout est égal à mes yeux."

Dans "Division par zéro", on décrypte la lente plongée incohérente et pourtant logique d'une mathématicienne qui perd ses repères avec la découverte de formules telles 1=2. Les chapitres s'alternent entre théories mathématiques et moments passés avec le mari Carl. C'est bien mais ça manque d'intensité dramatique.

Puis vient "L'histoire de ta vie", fameuse nouvelle ayant inspirée le film "Premier contact", mettant en scène la linguiste Louise Banks. Ce qui est dommage, c'est que la construction de cette nouvelle est identique à la précédente. Les chapitres s'alternent entre moment de découverte linguistique avec les "heptapodes" et souvenirs avec la fille de Louise. Donc décryptage scientifique et vie familiale. Et mettre ces deux nouvelles l'une à la suite de l'autre est rébarbatif. D'autant que si l'on a déjà vu le film, on n'a plus aucune surprise, puisque l'adaptation cinématographique était fidèle. Cependant, le récit à le mérite d'être philosophique au sein du problème chronologique qu'il soulève et de la contradiction imposée par la connaissance antérieure des évènements à venir.

"L'existence du libre arbitre signifiait qu'on ne pouvait pas connaître le futur. Et on savait que le libre arbitre existait parce qu'on en faisait l'expérience. La volition était une part intégrante de la conscience."

La nouvelle "Soixante-douze lettres" reprend le mythe du Golem. Mais force est de constater qu'on s'éloigne du conte et que les images et l'aventure nous manquent. Une fois de plus, l'auteur nous abreuve de données techniques ou philosophiques et nous fait perdre le sens du merveilleux. Même la poursuite entre Stratton et un tueur ne nous permettra pas de frémir. On se lasse donc de l'aspect didactique et on regrette la verve de "La tour de Babylone".

Les premières nouvelles sont efficaces, les suivantes nous lassent, dommage.

R.P.



24/02/2020
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