Contre-critique

"Le Château des Carpathes" de Jules Verne.

"Éplorée, désespérée, ses beaux yeux noyés de larmes, Miriota l'avait supplié de ne point s'obstiner à cette aventure. Avant l'avertissement donné par la voix, c'était déjà grave. Après l'avertissement, c'était insensé. Et, la veille de son mariage, voilà que Nick Deck voulait risquer sa vie..."

Se déroulant en Transylvanie, et plus particulièrement à Werst, ce court roman de Jules Verne suit d'abord Frick, un berger qui réalise que de la fumée s'échappe d'un burg délaissé et réputé maudit, situé sur le replat d'Orgall. Après en avoir informé le village, le forestier Nick Deck décide d'aller voir. Tel un récit d'aventure, le roman s'approche également des oeuvres romantiques et gothiques, où l'effroi se mêle aux sentiments passionnés. Nous avons d'abord Nic et Miriota, puis Franz et la Stilla qui forment des duos romantiques malmenés par les circonstances.

"En sa qualité d'esprit fort, le docteur Patak ne pouvait admettre que cette croix le protègerait contre des apparitions surnaturelles. Et, cependant , par une anomalie commune à bon nombre d'incrédules, il n'était pas éloigné de croire au diable. Or, dans sa pensée, le Chort ne devait pas être loin..."

Le suspense nous tient en haleine sur une bonne partie du roman, mais l'on aimerait des rebondissements sanguinaires. Sauf que là, on lit du Jules Verne et l'horreur cède vite la place à la science et à la démystification. Il n'y aura donc pas de sueur froide, contrairement au très bon "Le moine" par exemple, ou à l'inoubliable "Dracula", ni de jactance délectable comme dans "les trois mousquetaires" ; trois oeuvres qui lui sont nettement supérieures. Cependant, il y a de l'emphase et une écriture ciselée, plutôt efficace et racée, comme souvent chez les auteurs du 19è siècle. Le roman possède également le mérite de précéder "Dracula", qui lui doit beaucoup, mais il risque fort d'être lassant pour le lecteur contemporain. Ce dernier aura du mal à ne pas lire l'oeuvre en diagonale sur sa deuxième moitié.

Malgré des qualités, on comprend pourquoi ce récit n'est pas davantage connu.

R.P.