Contre-critique

"Massacre des innocents" de Marc Biancarelli.

"Gerritsz se tranquilise, et il maintient le cap. Quelques nuages inoffensifs apparaissent rapidement, qui masquent la lune et obscurcissent le ciel. La route face à eux s'assombrit aussi, ils ne voient plus les reflets brillants sur les flots noirs. Ils foncent, enfin sereins, superbes de témérité, rapides, au milieu de l'immensité."

À bord d'un navire nommé le Batavia, pris dès le départ dans une tempête, on découvre un équipage varié, composé du fourbe intendant adjoint Jeronymus Cornelisz, des frères d'armes Weybbe Hayes et Otter Smit, du capitaine Jacobsz, ou encore de la jeune et noble Lucretia Jansdochter. Et, très vite, son naufrage annoncé. Car ce roman relate le fait historique survenu en 1629.

Sous la plume de Biancarelli, le récit devient palpitant et extrêmement visuel. Le style de l'auteur, à la fois simple, sans fioritures, et parfaitement maîtrisé et habile en vocabulaire, nous épate une fois encore. Après le très bon "Orphelins de Dieu", Biancarelli nous régale une fois de plus, avec un récit âpre et désenchanté. Mais aussi plus choral que le précédent.

"Il n'était que rage, et lorsqu'il eut fini son abjecte besogne, il resta comme abasourdi, nauséeux et tremblant au beau milieu des créatures ensanglantées. Le grand mâle qu'ils avaient saigné était étendu à ses pieds telle une chose obscène au ventre graisseux."

Des accès de violence parsèment le roman, qui n'hésite pas à révéler la face sombre de l'humanité. Et dès le troisième tableau, on est servi en abjections. Mais ce n'est pas gratuit, cela nous plonge dans l'ambiance poisseuse et oppressante de l'époque.

Roman de survie, qui démontre que l'homme est un loup pour l'homme, "Massacre des innocents" ravira les fans de fait historique et d'action mêlés de cruauté.

Édifiant, rythmé et cru, ce roman est à ne pas rater.

R.P.