Contre-critique

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"Pickpocket" de F. Nakamura

"Pickpocket" de Fuminori Nakamura.

 

"- Elle, elle est sans doute malade.

 - Malade ?

 - La maladie de Pick. On vole sans s'en rendre compte. Ça existe."

Nishimura, le narrateur, est un pickpocket doué qui revient à Tokyo. Après une grosse affaire dont on n'apprendra les ressorts qu'à mi-roman, Nishimura, qui depuis n'a plus revu son complice Ishikawa, erre dans les rues de la capitale en détroussant les plus riches. Mais son insouciance ne tardera pas à disparaître avec la venue de Kizaki, un dangereux chef de gang organisé.

Tiraillé entre sa volonté de s'en sortir, de faire le bien en venant en aide à un enfant dont il se prend d'affection, et la vie qu'il a toujours mené et à laquelle il s'est acclimaté, Nishimura glissera lentement vers son inéluctable destin.

"La pluie, comme si elle me déniait le choix de sortir, tombe sans relâche. Je pense à l'immensité des nuages, et à l'espace dans lequel je me trouve à présent. Comme pour protester, j'attrape mon paquet de cigarettes, enfile des chaussettes, ouvre la mince porte en bois et sors."

L'écriture de Nakamura est agréable. À la fois douce et intrigante, elle livre un peu de poésie et beaucoup de mystère. Les personnages sont tous énigmatiques et on n'en apprend davantage sur eux qu'au fur et à mesure de la lecture. Même en refermant ce "Pickpocket" des zones d'ombres subsisteront. La nostalgie d'un temps révolu, d'une certaine idée de gâchis ou de perte, marque les pages de ce court roman.

Malgré l'avertissement de Tachibana au début du récit, le héros va continuer à déambuler dans les quartiers de Tokyo où il finira par être pris au piège par le tout puissant Kizaki qui refermera son étau avec finesse. Kizaki est un personnage extrêmement intéressant qui, de par son réseau et sa puissance, tissera des toiles invisibles pour prendre au piège ses proies. Il tentera même de rivaliser avec Dieu. On s'en apercevra dans l'histoire qu'il raconte à notre héros, celle du seigneur qui écrit le livre du destin, une histoire étourdissante et cruciale.

"...L'éclairage me parut violent quand la porte s'ouvrit. Dans la pièce d'une vingtaine de tatamis se tenaient trois hommes, couteau à la main, et, les bras solidement liés dans le dos, recroquevillé sur lui-même, un vieillard aux cheveux blancs, semblable à un insecte."

Au-delà de son côté onirique, comme avec l'obsession de notre héros pour une tour qui lui apparaît régulièrement dans le lointain, "Pickpocket" demeure avant tout un thriller. L'histoire distille le suspense et comporte son lot de scènes d'action, tantôt violentes, tantôt charnelles. L'auteur nous fait passer du vol de portefeuille au cambriolage, puis au crime organisé. Et au travers de son récit qui garde plus ou moins ses distances avec le lecteur, parfois, l'émotion poindra de manière inattendue.

Même si la narration des séquences où le héros dérobe ses congénères est largement perfectible, car on ne ressent ni le côté furtif ni la dextérité du voleur expérimenté et que l'on a du mal à accepter leurs vraisemblances, "Pickpocket", doucement envoûtant, est un livre à découvrir.

Son premier roman, "Revolver", mérite également largement le détours.

R.P.



30/05/2013
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