Contre-critique

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"Soundtrack" de H. Furukawa

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"Soundtrack" de Hideo Furukawa.

 

 "La seule chose qu'elle comprenait, c'était que le monde avait voulu la tuer, que cette conscience avait imprégné la moindre cellule de son corps, et que cela ne deviendrait jamais du passé. Elle sentait le désir de mort du monde. C'est pour cela que Hitsujiko bougeait. Elle avait choisi le seul moyen qui lui était offert."

S'ouvrant sur le naufrage de deux enfants qui vont devoir survivre, seuls sur une île, ce roman de Furukawa devient captivant dès les premières pages. La narration est d'une fluidité remarquable et se fait organique quant au sort de ses protagonistes. On vibre avec eux et les images qui découlent des phrases subjuguent. D'un côté vous trouverez la survie et la violence avec Touta, garçon hermétique à la musique, de l'autre le mouvement et l'obsession avec Hitsujiko, dont la quête intérieure se fait danse.

Les 150 premières pages sont d'une efficacité rare chez cet auteur nippon qu'on adore et qui n'a jamais été aussi brillant. Ensuite vont entrer en scène les corbeaux, avec la venue du personnage de Leni, habitant du Liban nippon. Mais ce ne sera qu'une mise en bouche car Leni ne réapparaîtra que bien plus tard dans le roman.

"Sur le sol, entre un pilier de l'autoroute et l'escalier de la passerelle, il y avait une montagne noire en cours d'expansion. Une explosion noire ? Les yeux de Leni doutaient de ce qu'ils voyaient. C'était un rassemblement d'une dizaine de corbeaux s'échappant d'un amoncellement de sacs poubelles abandonnés là."

Le récit est grandiose et nous rappelle la force empirique de Ryu Murakami à l'époque des "Bébés de la consigne automatique". Le roman fait la part belle aux personnages rejetés, abandonnés ou tout simplement en marge de la société, comme le criminel Matsuo et son Pigdom. L'auteur n'hésite pas à explorer la noirceur du monde et des êtres qui le composent. Il faut cependant s'accrocher puisque "Soundtrack" prend le temps d'installer son ambiance et de suivre la lente progression de ses protagonistes. Cela finit même par devenir un peu cafouillis dans la deuxième moitié du roman qui s'éparpille dans plusieurs directions et n'aboutit pas réellement au grandiose. On regrette par exemple que l'idée du subjuguer et de contrôler l'Homme par le mouvement, comme le font Hitsujiko et ses disciples, ne devienne pas plus épique et poignante.

Mais même si la fin du livre n'est pas à la hauteur de nos espérances, le récit dans sa globalité nous laissera une empreinte puissante et totalement réjouissante. À découvrir !

R.P.



31/01/2019
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