"Suite(s) Impériale(s)" de B.E.Ellis
"Suite(s) Impériale(s)" de Bret Easton Ellis.
"(...)Je n'aurais jamais dû faire une chose pareille, mais... je ne pensais pas qu'elle souffrirait." Il s'interrompt. "Je veux dire que c'est toi qui l'as toujours fait souffrir le plus." Il marque un temps d'arrêt avant d'ajouter :"C'est toi qui as toujours fait souffrir.(...)"
Des décennies après "Moins que zéro", les aventures de Clay se poursuivent. Devenu scénariste pour le cinéma, ce narrateur partage avec le lecteur ses soirées de gala mêlées de beuveries et de rencontres éphémères, ses nuits d'hôtel agitées et ses états d'âmes. Le désenchantement est toujours de la partie et l'on retrouve d'ailleurs les personnages du précédent roman, à savoir le désormais sevré Julian et l'ex-copine Blair, entre autres, ainsi que de nouveaux venus, telle Rain Turner.
Le départ du roman, faisant le parallèle avec "Moins que zéro" et offrant une belle mise en abyme, se révèle une accroche surprenante. On plonge rapidement dans la vie de Clay, dans son errance incertaine et inquiétante au sein de Los-Angeles.
""Je ne cherche pas un mec, avait dit l'acteur. Et même si c'était le cas, ce ne serait pas toi." Dans la langue joviale des hommes entre eux, j'avais suggéré que s'il ne répondait pas à mes exigences, je ferais tout pour qu'il n'obtienne pas le rôle."
Le roman décrypte les rouages du star-système et montre comment les acteurs subissent les exigences sexuelles des producteurs afin d'accéder aux films. Sans véritables attaches, les êtres de pouvoir qui y gravitent sont sujets à des lubies passagères et vaquent à leurs moments de détente avec nonchalance. Sexe et relations intéressées sont au cœur de ces "Suite(s) Impériale(s)".
Le récit prend également des allures de roman noir, puisque Clay est tout de suite pris en filature par une mystérieuse Jeep et que d'incessants "Je t'ai à l'œil" sont envoyés anonymement sur son portable. Du coup, la crainte cohabite avec le désir étant donné que la séduisante Rain Turner apparaît dans la vie de Clay. Ce personnage devient alors femme fatale au fil des nuits.
"Meghan Reynolds devient floue parce que Rain exige que toute ma concentration se porte sur elle et, comme tout ce qui la concerne me plaît, je ne m'aperçois même pas que ça vire à une histoire qui n'est plus simplement professionnelle(...)"
Ce qui fascine et surprend, c'est l'aspect anti-héros du personnage de Clay. Au départ on s'attache à cet être qui est placé au centre du récit et avec qui on partage les mésaventures, puis la tournure des évènements devient machiavélique et morbide. Et l'identification qui s'était opérée jusque là se rompt brutalement. La rupture surprend d'autant plus que nous ne pouvons plus suivre le raisonnement du héros qui s'écarte d'une pensée seine et généreuse mais se gargarise du pouvoir et de la manipulation.
Une fois sa lecture achevée, on s'aperçoit que "Suite(s) Impériale(s)" est un roman qui se lit très facilement et qui divertit comme il se doit, de par ses petites touches d'érotisme, de perversité et de suspens, mais qui ne possède rien de suffisamment exceptionnel pour devenir une œuvre majeure.
R.P.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 3 autres membres