Contre-critique

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"Trembler te va si bien" de R. Wataya

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"Trembler te va si bien" de Risa Wataya.

 

"Pupilles de ces yeux noir et blanc où se reflétaient les luminaires de l'izakaya quand il riait, longs cils baissés quand il sortait d'un geste posé les billets parfaitement pliés dans son portefeuille pour payer son écot à la fin de la soirée, tout chez lui m'appuyait sur des points d'acupuncture et mon niveau de pâmoison n'avait pas baissé d'un cran..."

Yoshika Etô, employée comptable de 26 ans, encore vierge, est toujours amoureuse d'un garçon de collège nommé Ichi, tandis que Ni, un de ses collègues de bureau, la drague ouvertement. Que faire ? Assouvir le bonheur qu'elle pourrait procurer au second, ou bien continuer de courir après un fantasme, qui déclenche pourtant en elle la vraie sensation d'amour ?

Ce court roman, dans le pur style de son auteur, nous plonge dans la tête d'une jeune femme qui s'interroge avec recul et humour sur sa situation. Une fois de plus, cela paraît très superficiel au départ, mais se révèle bien plus profond et original à mesure qu'on tourne les pages. On finit par être véritablement pris par le récit, même si l'on est un garçon.

"S'il me répondait normalement avec un regard indifférent quand je lui adresse la parole au bureau, je pourrais éventuellement tomber amoureuse, de même que la chaleur de mon corps finirait bien par se transmettre à une dalle de marbre si je me couchais dessus. Mais comme ça, sa chaleur étouffante pompe jusqu'à la moindre parcelle de ma chaleur à moi, si bien qu'intérieurement je ne peux m'empêcher de le repousser en permanence."

Pour un homme, c'est intéressant et instructif de plonger dans la tête d'une femme. Et j'imagine que pour la gente féminine ce doit être aussi intrigant de se retrouver dans la peau d'une femme qui vous ressemble ou bien dans celle d'une curiosité comme cette Yoshika. Et puis la question de choisir l'être aimé ou l'être aimant est plutôt universel.

Court et efficace, "Trembler te va si bien" est dans la veine de "Appel du pied" et s'avère plus réussi que le suivant : "Pauvre chose".

"Si ça n'avait pas été douloureux, je me serais entaillé les poignets. C'est étrange à dire, mais heureusement que mourir est pénible et douloureux, parce que si je n'avais pas eu peur d'avoir mal, j'aurais pu mettre un terme à ma vie pour une raison aussi stupide."

Vivant et lucide, ce récit d'une histoire d'amour aussi désenchantée que réaliste se révèle dépaysant. La plume légère et piquante de la romancière permet à la profondeur des sentiments d'être abordés de manière ludique. Un régal, enivrant et pétillant comme une coupe de champagne.

R.P.



11/06/2017
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