Contre-critique

"Vendredi 13" de David Goodis.

"Il se risqua alors à jeter un coup d'oeil derrière lui. Il vit la chaussée, les maisons des deux côtés de la rue et les trottoirs déserts.

C'était tout. C'était cela qui l'avait poursuivi. Le vide, le néant!"

Ce roman noir nous fait découvrir Hart, un trentenaire fauché qui déambule dans le froid mordant de Philadelphie. Il va alors croiser Charley, un malfrat en planque avec sa bande à Germantown. Parfois Hart dit la vérité parfois il bluffe, et il va finir par s'acoquiner malgré lui avec la grosse Frieda et à coopérer sur un cambriolage avec la bande de Charley, prévu un vendredi 13.

"Dès que l'homme fut de nouveau le visage contre terre, il aperçut le petit trou, d'un noir d'encre..."

Les dialogues sont excellents et dotés d'un humour grinçant qui nous rappellent la verve d'un Bertrand Blier ou d'un Michel Audiard.

"L'agent désigna du doigt le pardessus vert pomme.

 - Où c'est que vous avez eu ça?

 - Dans une boutique.

 - Où ça?

 - A Atlantic City, je crois bien. A moins que ce soit à Albuquerque.

 - Tu te foutrais pas de moi, par hasard?

 - Si.

 - Ce pardessus, tu l'as piqué, pas vrai?

 - Et comment!"

La désinvolture du héros est jubilatoire. Il se moque des situations qu'il vit et des personnages qu'il fréquente quels que soient les dangers qu'il encourt avec panache.

"- Toi, je te retrouverais, dit-il. Tu peux y compter.

 - Faut que je me mette à pleurer?"

L'affrontement entre Hart et l'ancien boxeur Mattone est très intéressant. La nonchalance de Hart le rend presque aussi coriace que la férocité de Mattone. La description de leurs pugilats est savoureuse. Tout autant que la liaison qui se noue entre Frieda et Hart, sans parler de la belle Myrna.

"Tout ce que je vous dis, c'est que si vous lui avez raconté la vérité, vous avez pas à vous faire de mouron..."

Hart mène un double jeu risqué et subit autant qu'il manipule dans ce polar efficace du grand Goodis, que l'on se doit de découvrir.

R.P.