Contre-critique

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"Wilt 1" de Tom Sharpe

 

"Wilt 1"

ou "comment se sortir d'une poupée gonflable

et de beaucoup d'autres ennuis encore "de Tom Sharpe

 

"Chaque fois qu'Henry promenait son chien ou, pour être plus précis, chaque fois que son chien l'emmenait promenait ou, pour être exact, chaque fois que Mrs Wilt leur enjoignait de débarrasser le plancher car c'était l'heure de ses exercices de yoga..."

Dès les premières lignes, le ton du roman est donné : à la fois humoristique, acerbe et original. On y suivra les mésaventures de Henry Wilt, un homme de 34 ans aussi décalé qu'attachant, qui semble gaspiller sa vie et surtout, qui ne supporte plus sa femme. Du coup Henry a les idées noires :

"Wilt s'arrêta pour jeter un coup d'œil au moment où l'excavatrice pénétrait lentement dans le sol. Elle creusait vraiment des puits très profonds. Très larges. Assez pour recevoir un corps."

Ce roman, bien que favorisé par le comique de situations et les dialogues affûtés, n'en demeure pas moins un roman policier puisque sa trame principale est une affaire criminelle que l'inspecteur Flint et le sergent Yates vont devoir résoudre.

"- Mais vous reconnaissez qu'elle vous est passée par la tête ?

 - Inspecteur, dit Wilt, si j'avais vraiment fait tout ce qui m'est passé par la tête je serais déjà inculpé de viol de mineur, sodomie, vol à main armée, homicide volontaire et massacre d'innocents depuis belle lurette."

Les personnages du récit sont drôles parce que caricaturaux, mais ils sont suffisamment profonds pour ne pas paraître factices. On sent que Sharpe s'inspire des côtés les plus extrêmes de la réalité. On découvrira par exemple Eva, la femme d'Henry Wilt, qui, très influençable, va devenir odieuse avec son mari sous l'influence de Sally, une américaine excentrique et délurée :

"...en discutant du pénis de Gaskell et de sa théorie suivant laquelle, dans une société sexuellement indifférenciée, la stimulation mammaire jouerait un rôle de plus en plus important en développant chez les maris la conscience de leur nature hermaphrodite."

Alors que Wilt est au bout du rouleau, après avoir subi plusieurs avanies relativement cocasses, il finit par ruminer sur le moyen d'éliminer sa femme. Il va alors s'embourber dans un pétrin quasi inextricable, dont il ne vaut mieux rien révéler pour ne pas déflorer le potentiel comique. En tout cas, voilà ce qu'Henry dira de sa femme lors d'une discussion avec son ami Braintree :

"...Tu sais comment est Eva. Je veux dire elle renifle le blabla intellectuel à un mile et se précipite dessus comme une mouche à merde sur une bouse de vache. Tu ne peux pas savoir combien de dernières idées bidon elle m'a balancées à la figure."

Le roman est réellement en crescendo ; plus on avance dans la lecture et plus l'humour devient grinçant et efficace. Et lorsque la situation dégénère, dès le premier quart du livre, les rebondissement qui s'ensuivent deviennent hilarants. L'auteur réussit une satire sociale, où les individus sont pris pour des pitres, et où le malheur de certains rapports humains est tourné en dérision. Que ce soit les enseignants, les élèves ou les enquêteurs, chacun en prend pour son grade.

"D'ailleurs pouvait-il vraiment prétendre être un homme ? Ce n'était pas sûr. Un petit homme insignifiant sans prise sur les évènements, dont la vie n'était qu'une suite d'humiliations et d'échecs."

On ne saurait que trop vous conseillez ce roman désopilant, qui brille par son rythme soutenu, son scénario ciselé et son univers décalé. "Wilt 1" se déguste comme une farce à tiroir, et de plus, il se lit sans effort et donne envie de découvrir ses nombreuses suites. N'hésitez plus !

R.P.



18/08/2012
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