Contre-critique

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"Préparer l'enfer" de T. Di Rollo

 

"Préparer l'enfer" de Thierry Di Rollo.

 

"- Pourquoi tu as choisi ce dimanche pourri pour venir te payer un clochard qui cuvait tranquillement au fond de sa planque ?

- Bah ! C'est comme s'arrêter de fumer, petit inspecteur, il faut bien décider du jour de la dernière cigarette."

Premier roman de l'auteur à paraitre dans la "série noire", ce court récit de Di Rollo est une œuvre d'anticipation politique. Il nous raconte la montée en puissance d'un nouveau parti, par le biais du personnage central, Jean Mornau. Ce dernier va nous faire revivre des moments clefs de son existence lors d'un interrogatoire de police.

"Il se précipite, traversant la largeur de la chambre à quatre pattes, en tapinois, jusqu'aux lèvres roses entrouvertes. La langue de l'adolescent trouve son chemin entre les dents de Lise-Anne, touche l'autre langue."

Toujours revêtu de son parka, Mornau est un personnage mystérieux qui a une addiction pour le meurtre et qui décide de se rendre aux autorités dès le départ du roman. On découvrira au fil des chapitres sa passion pour Lise-Anne, dont il est amoureux depuis ses douzes ans, ses jeux dangereux sur l'autoroute d'Auvergne, son embrigadement chez les Franc et leur démocracie ajustée ainsi que son premier meurtre.

"- Quand je suis arrivé sur le terre-plein, à l'endroit où j'avais visuellement mémorisé la chute du corps, j'ai découvert une véritable boucherie. Ça ne ressemblait plus à rien, Louran. Et puis, il manquait un bras. Le gauche."

Mornau soutient la candidature de Saulnier pour les prochaines élections qui devraient mettre un terme au deuxième quinquennat de Petit. Autant dire que "Préparer l'enfer" s'inspire largement de notre actualité politique. On y parle également de burqa et d'arrangement politique pour créer des émeutes dans en banlieu.

"Nous les soumettrons tous et ils ne s'en rendront pas compte. Cette servitude sans douleur est la marque des nouvelles dictatures, des démocraties ajustées. Trinquons, petit."

Le réseau Hyper-Opsis est développé, et la ville est assiégée par les caméras de surveillance. Di Rollo dénonce la manipulation des masses et la corruption des politiques. Mais le roman n'en est pas intellectuel pour autant, il reste un divertissement intelligent et rythmé par l'action.

"- La précarité d'une vie humaine est toujours extrême, quel que soit le degré. L'expression "extrême précarité" voudrait donc nous faire croire qu'une vie peut-être un peu précaire sans être gravement compromise. Comme si on excusait, pour une société défaillante, un état de fait moins critique qu'un autre, au prétexte que tout peut-être toujours plus grave."

"Préparer l'enfer" nous offre de beaux duels, notamment lors d'une séquence claustrophobique dans une cave de banlieu, de par une écriture visuelle et tarantinesque.

"Et tirer, bien sûr. Éjaculer une balle, se vider le crâne. Entendre le bruit sourd de la chute du cadavre sur le sol."

On regrette l'épaisseur du roman, trop mince, seulement 150 pages, ce qui ne permet pas de suffisamment developper l'intrigue et les personnalités des protagonistes. On est plus proche de la nouvelle, alors que le sujet aurait mérité d'être exploité davantage. La fin notamment est trop rapide, manque de cheminement psychologique. On ne comprend pas la réaction de l'inspecteur Louran, ni son début de paranoïa.

"- Peut-être, mais on se relèvera et on recommencera. La nature humaine est la garante de toutes nos resurrections."

Très facile à lire et plaisant, ce roman de Di Rollo est rafraichissant car il renouvelle la littérature de son auteur, mais il reste trop anecdotique alors qu'il avait de quoi devenir un grand roman. À lire pour les fans et les curieux.

Dans le même registre, et peut-être plus abouti, lisez le plus récent "Les solitudes de l'ours blanc".

R.P.

 

 

 



22/03/2012
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